Le lissage est un comportement important d’entretien des plumes chez les oiseaux : à l’aide de leur bec ou de leurs pattes, ils les « réparent », retirent celles qui se sont cassées, emboîtent les barbules qui se sont séparées, les enduisent du sébum huileux provenant de leur glande uropygienne ou retirent les ectoparasites. Il est essentiel pour maintenir les fonctions du plumage (isolation, propriétés aérodynamiques, etc.). Il peut être individuel ou mutuel, quand il est effectué par un individu sur un congénère, généralement du sexe opposé, mais pas uniquement (chez les perroquets, il est fréquent entre les oiseaux du même sexe), et joue un rôle social (maintien des liens sociaux, réduction des conflits, etc.) et sanitaire, certaines parties du corps n’étant pas facilement accessibles par un seul oiseau.

Le lissage interspécifique est rare : il a été observé entre l’Urubu noir (Coragyps atratus) et le Caracara huppé (Caracara plancus), le Pingouin torda (Alca torda) et le Guillemot de Troïl (Uria aalge), la Spatule royale (Platalea regia) et l’Ibis à cou noir (Threskiornis molucca), les Conures mitrée (Psittacara mitratus) et veuve (Myiopsitta monachus), et entre plusieurs espèces d’Ictéridés (carouges, cassiques, orioles, etc.).

En février 2022, trois séances de lissage interspécifique ont été observées entre les Timalies à cou tacheté (Stachyris strialata) et de Nonggang (Stachyris nonggangensis) sur un point de nourrissage installé près d’un affût photographiques non loin de la réserve naturelle nationale de Nonggang, dans le Guangxi (Chine) : dans les trois cas, ce sont les Timalies à cou tacheté qui lissaient les plumes du cou, du dos ou de la poitrine de l’autre espèce, et les séances ont duré de une à deux minutes. Étant donné que ces oiseaux n’étaient pas bagués, on ne sait pas combien d’oiseaux étaient impliqués. 

Selon les auteurs de l’article publié en 2022 dans le journal Ecology and Evolution, le toilettage mutuel aurait pour fonction de maintenir le lien de subordination existant entre ces deux espèces, comme cela a été montré entre les Ictéridés : la Timalie de Nonggang serait dominée hiérarchiquement par la Timalie à cou tacheté et exposerait volontairement certaines parties vulnérables de son corps pour montrer sa soumission et réduire les tensions. Dans les groupes que forment parfois ces deux espèces, la Timalie à cou tacheté aurait un accès prioritaire à la nourriture. La Timalie de Nonggang est encore peu connue et n’a été décrite que récemment (lire Description d’une nouvelle espèce de Timalie dans le Guangxi).

Les auteurs émettent aussi l’hypothèse de l’existence de couples mixtes entre les deux espèces, le toilettage mutuel jouant en effet un rôle dans le renforcement des liens entre deux partenaires.

Le lissage interspécifique pourrait être plus répandu qu’on ne le pensait, et il serait intéressant de tenter de le repérer dans les lieux de rassemblement des oiseaux : près des points d’eau, dans les dortoirs, autour des mangeoires, sur les falaises d’argile riches en minéraux (lire La géophagie chez les perroquets), etc.

Timalie à cou tacheté (Stachyris strialata) lissant les plumes d’une Timalie de Nonggang (S. nonggangensis) non loin de la réserve naturelle nationale de Nonggang, dans le Guangxi (Chine), en février 2022.
Source : Wenyi Zhou

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