L’hiver est une période difficile pour les rapaces dans les régions où les températures sont basses et où une épaisse couche de neige recouvre le sol, rendant plus difficile la détection des rongeurs. Ils doivent alors réduire leurs dépenses énergétiques, en particulier lorsque les proies deviennent rares, en adoptent par exemple la chasse à l’affût, une technique qui a l’avantage de limiter les efforts mais qui consomme beaucoup de temps.

En Europe centrale, les Buses variables (Buteo buteo) qui n’ont pas migré plus au sud doivent cohabiter avec des Buses pattues (Buteo lagopus) venues de Scandinavie et de Russie (lire Comment distinguer les Buses pattue et variable ?). Ces deux rapaces chassent dans les milieux ouverts, où ils peuvent être en compétition pour les mêmes proies, ce qui peut réduire leur taux de survie. Pour limiter au maximum cette rivalité, ils doivent adopter des stratégies un peu différentes.

Situation de la haute-vallée de la rivière Liwiec (Pologne)

Situation de la haute-vallée de la rivière Liwiec (Pologne).
Carte : Ornithomedia.com

Dans un article publié en 2023 dans la revue Animals, des ornithologues ont étudié leur comportement durant quatre hivers dans une zone de 19 km² située dans la haute-vallée de la rivière Liwiec, dans le centre-est de la Pologne, où la densité des deux espèces est élevée (respectivement 6,84 et 1,16 individus par km²) et où elles chassent les mêmes proies, principalement le Campagnol des champs (Microtus arvalis).

Ils ont utilisé trois modèles mixtes linéaires généralisés pour analyser statistiquement les temps passés sur les trois types de postes d’observation (arbre, poteau et sol), le nombre d’attaques sur des proies et les interactions entre les deux espèces en fonction de différentes variables, notamment le temps passé à l’affût, le nombre de changements de sites, la température moyenne, la vitesse moyenne du vent et la couverture neigeuse.

Ils ont constaté que deux espèces passaient la plupart de leur temps au sol, et étaient moins souvent perchées sur des arbres et des poteaux de clôture, la Buse pattue évitant visiblement ces derniers, peut-être parce qu’elle est originaire de la région arctique où il n’y a pratiquement pas d’installations humaines et où elle niche plutôt sur des escarpements rocheux (lire Buses pattues et renards dans une toundra dépourvue de rongeurs : comment survivre ?).

Le nombre d’attaques sur des proies était influencé par deux facteurs : la fréquence des changements des postes d’affût et le niveau de la couverture neigeuse, la première augmentant le nombre d’attaques et la seconde la réduisant. Lorsqu’il y a beaucoup de neige, la Buse variable se perche plus fréquemment sur les arbres, pour avoir une meilleure vue d’ensemble, alors que la Buse pattue, probablement mieux adaptée à à cette condition dans ses zones d’hivernage classiques, ne modifie pas son comportement.

Ces deux espèces se tiennent plus fréquemment au sol car la végétation basse des prairies favorise cette technique de chasse, les campagnols étant actifs près de la surface et la compétition interspécifique étant plus faible, les proies pouvant être immédiatement avalées et risquant ainsi moins d’être volées, et les dépenses énergétiques sont réduites, chaque aller-retour vers un perchoir nécessitant des efforts. Plusieurs études ont en effet montré que la recherche de nourriture au sol était une méthode de chasse exceptionnellement efficace, particulièrement adaptée aux jeunes Buses variables inexpérimentées mais aussi aux adultes, qui la pratiquent volontiers en automne pour chercher des coléoptères, des vers de terre et d’autres invertébrés.

Buse pattue (Buteo lagopus) chassant un rongeur en Allemagne en hiver.
Source : Vogelarchiv.de

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