L’Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) est un limicole de 40 à 45 centimètres de longueur, au plumage noir et blanc et au long bec orangé qui lui sert à ouvrir des mollusques, à manger des gastéropodes ou à trouver des vers. Il est doté d’une capacité d’adaptation remarquable, n’hésitant pas par exemple à manger occasionnellement des morceaux de pain (lire Des huîtriers mangeant du pain aux Pays-Bas).  

Il se reproduit essentiellement le long des côtes, préférant les rivages plats (estuaires, plages, lagunes, etc.), ainsi que dans les prairies et les champs (lire Nidification d’un couple d’Huîtriers pie dans un champ de maïs dans le Nord), mais la montée du niveau de la mer et l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique submergent de plus en plus souvent ses sites de nidification au printemps lors des marées hautes. C’est par exemple le cas dans la lagune de Venise (Italie), l’une des plus importantes zones de reproduction méditerranéennes pour cette espèce. Depuis les années 1990, l’espèce y avait colonisé les îlots artificiels issus des opérations de dragages, puis les îlots des marais salins, mais ils sont de plus en plus exposés aux inondations.

Œufs d'Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) au sommet d'un poteau en bois

Œufs d’Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) au sommet d’un poteau en bois dans la lagune de Venise (Italie).
Photographie : Francesco Scarton

C’est dans ce contexte qu’un comportement inédit est apparu à partir de 2013 : certains Huîtriers pie ont en effet commencé à nicher au sommet de poteaux en bois, appelés localement « bricole », normalement destinés au balisage de la lagune. Ces poteaux, dont le sommet a été creusé par la décomposition du bois, qui y a formé de petites cuvettes, offrent en effet des sites de nidification à l’abri des submersions, culminant à plus de deux mètres au-dessus du niveau des marées, même lors des épisodes extrêmes.

Dans un article récent publié dans la revue Avocetta, Roberto G. Valle et Francesco Scarton précisent qu’entre 2013 et 2020, l’utilisation de ces poteaux par ce limicole a augmenté rapidement, concernant désormais environ 7 % de la population nicheuse. Le succès de nidification y est remarquablement élevé : près de 98 % des couvées ont éclos, un taux bien supérieur à celui observé dans les habitats traditionnels souvent inondés.

Selon les auteurs, il s’agit d’une probable réponse adaptative à l’augmentation de la fréquence des marées extrêmes, qui s’est propagée socialement à partir des premiers couples ayant adopté ce comportement, un phénomène bien documenté dans la littérature. Bien qu’un risque accru de prédation par les Goélands leucophées (Larus michahellis) soit possible, il paraît compensé par la diminution massive des pertes de couvées dues aux inondations. La lagune de Venise dispose de nombreux poteaux potentiellement utilisables, et l’installation d’aires de nidification artificielles en hauteur pourrait devenir une mesure de conservation simple et efficace pour l’avenir de l’Huîtrier pie, mais peut être aussi d’autres laro-limicoles également menacés par la montée des eaux, comme le Goéland railleur (Chroicocephalus genei) et les sternes. 

L’utilisation de poteaux pour nicher est un autre exemple de la grande adaptabilité de l’Huîtrier pie en matière d’habitats de reproduction : outre les zones naturelles et agricoles, il est aussi connu pour nicher sur des murs effondrés et sur des toits de bâtiments, comme dans les villes de Groningue (Pays-Bas) et de Münster (Allemagne) (lire La petite population florissante d’Huîtriers pie nichant sur des toits de la ville de Münster). 

Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) sur son nid construit sur une vasière artificiellement créée dans la lagune de Venise (Italie).
Source  : lelecoppola

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