L’Oie des neiges (Anser caerulescens) est une espèce nord-américaine et asiatique dont la longueur varie de 63 à 79 cm et l’envergure de 135 à 165 cm. Deux sous-espèces sont reconnues : la Petite (A. c. caerulescens) et la Grande Oies des neiges (A. c. atlanticus), la seconde étant, comme son nom l’indique, en moyenne un peu plus grande et plus lourde que la première. Il existe deux formes de plumage : la blanche, qui est la plus répandue, et la « bleue » (ou sombre), nettement plus rare. Chez la première, l’adulte est entièrement blanc, avec la tête teintée de chamois, et l’extrémité des ailes est noire, tandis que la seconde, le corps est gris ardoisé et la tête et les couvertures sous-alaires sont blanches. le bec et les pattes sont roses. Le juvénile de la forme blanche est variablement teinté de gris.  

Aire de nidification américaine de l’Oie des neiges (Anser caerulescens) : en rouge, la zone de nidification, en bleu foncé, la zone d’hivernage de la Petite Oie des neiges (A. c. caerulescens) et en bleu clair, celle de la Grande Oie des neiges (A. c. atlanticus).
Carte : Ornithomedia.com d’après le Cornell Lab of Ornithology

L’Oie des neiges niche dans la toundra arctique, généralement non loin des côtes, et elle hiverne et stationne durant ses migrations et en hiver dans les champs (maïs, blé, orge et riz notamment), dans les prairies et dans les marais d’eau douce ou saumâtre. La Petite Oie des neiges (= la sous-espèce nominale) se reproduit en Sibérie orientale, en Alaska et dans l’ouest de l’Arctique canadien et hiverne dans le centre et le sud-ouest et sud-est des États-Unis (vallée du Mississippi, Californie et golfe du Mexique), tandis que la Petite Oie des neiges se reproduit dans la partie orientale du Haut-Arctique canadien (entre les îles de Baffin et d’Ellesmere, l’île Bylot accueillant la plus grande population) et dans l’ouest du Groenland, et passe la mauvaise saison le long de la côte atlantique des  États-Unis (du New Jersey à la Caroline du Nord).

Grâce aux mesures de protection prises depuis les années 1960, à une utilisation croissante des cultures durant les migrations et en hiver, qui augmente leur taux de survie, et au changement climatique, qui favorise une saison de reproduction plus précoce et plus productive et crée de nouveaux marais du fait du dégel du pergélisol, les populations de ces deux sous-espèces ont fortement augmenté : celle de la Petite Oie des neiges est passée de 800 000 à environ 15 millions d’individus (dont 12 millions au Canada), tandis que celle de la Grande Oie des neiges est plus modeste, même si elle est passée de quelques dizaines de milliers à plus de 500 000 individus actuellement (et jusqu’à 750 000 oiseaux selon certaines estimations).

La population de la Grande Oie des neiges est désormais plus ou moins moins stabilisée, du fait notamment des mesures cynégétiques prises depuis une vingtaine d’années au Canada et aux États-Unis, et des fluctuations de son succès de nidification, qui dépend de plusieurs facteurs : les conditions climatiques au moment de son retour au printemps (étendue de la fonte de la neige), et le taux de prédation dans la toundra (renards, labbes, rapaces et corvidés), une pression qui dépend du nombre de lemmings (Lemmini sp.) : en effet, quand ces petits rongeurs deviennent moins nombreux, les prédateurs se rabattent davantage sur les œufs et les poussins; or les femelles dont la nidification a échoué ne font pas de seconde ponte et rejoignent directement leurs zones de mue avant de migrer. 

Le cas de la Petite Oie des neiges est différent, sa population ayant connu une véritable explosion et atteint désormais plusieurs millions d’individus, une croissance qui se poursuit encore de nos jours. Par exemple, la colonie installée dans le delta du fleuve Colville River en Alaska est passée d’une d’une douzaine de couples à environ 40 000 adultes entre 2017 et 2023. Cette croissance exponentielle a localement des conséquences écologiques négatives sur l’équilibre écologique de la toundra dans les secteurs où cette sous-espèce niche et se nourrit, car elle surexploite la fragile végétation arctique et crée des zones au sol dénudé, mettant en péril d’autres espèces d’oiseaux nicheuses, comme les limicoles et les canards. Les dégâts sont désormais nettement visibles dans plusieurs marais côtiers le long des baies James et d’Hudson.

Troupe hivernante de Petites Oies des neiges (Anser c. caerulescens) dans un paysage agricole sur Fir Island, dans l’État de Washington (États-Unis), en février 2008.
Photographie : Walter Siegmund / Wikimedia Commons

Alors que la chasse a contribué à stabiliser la population de Grandes Oies des neiges, les diverses stratégies mises en place depuis les années 1990 dans le cadre du « Light Goose Conservation Order » (augmentation de la pression de chasse, y compris au printemps, et campagnes de collecte d’œufs) n’ont pas eu les effets attendus sur celle de la Petite Oie des neiges, et sont coûteuses et parfois critiquées. Selon les recherches de Drew Fowler, de l’Université du Missouri, la chasse seule ne suffirait pas car elle prélève surtout des oiseaux affaiblis et peu aptes à se reproduire. En outre, les oies deviennent plus méfiantes et difficiles à approcher, et elles se déplacent maintenant vers des milieux qu’elles n’occupaient pas auparavant : marais d’eau douce, étangs boréaux et zones forestières. Enfin, le nombre de chasseurs a tendance à diminuer en Amérique du Nord : en 2012, les prélèvements avaient tout de même dépassé les 900 000 oies. Il existe toutefois clairement une limite au nombre d’oiseaux que chaque chasseur peut tirer et emporter.

Certains ont proposé de permettre la vente de viande d’oies, créant une incitation économique, mais cette idée, encore théorique, pose des questions éthiques. D’autres hypothèses sont tout aussi radicales et discutables, comme leur destruction sur leurs aires de nidification. L’idée de les empoisonner a même été évoquée.

Des outils de gestion plus précis seraient nécessaires. Les biologistes tentent de mieux comprendre et de modéliser les mouvements et la dynamique de population des Petites Oies des neiges grâce à des données de baguage et de suivi par la pose d’émetteurs, afin d’évaluer quelles mesures seraient réellement efficaces. Il faudrait par exemple mieux connaître les ratios d’âge (jeunes/adultes) des oiseaux prélevés, ce qui nécessiterait des analyses détaillées de leurs corps (pas seulement via la collecte des plumes de leur queue), et comprendre les effets de la perte des mâles sur le succès de la reproduction. Toutefois, ces programmes nécessitent des moyens et un suivi sur le long terme, ce qui devient plus difficile du fait de restrictions budgétaires croissantes. 

Une question importante se pose enfin : faut-il vraiment réguler la population d’Oies des neiges ? Ne peut-on pas laisser la Nature trouver son propre équilibre ?

La croissance de la population de certaines espèces d’oies a aussi des effets sur la toundra sibérienne (lire L’augmentation du nombre d’Oies à bec court, une menace possible pour la toundra ?), car elles exploitent également l’augmentation des surfaces et des rendements agricoles (lire Pourquoi certaines espèces d’oies profitent-elles de l’agriculture moderne ?).

Vidéo sur la migration automnale des Petites Oies des neiges (Anser c. caerulescens) dans l’Alberta (Canada).
Source : Rick Andrews Wildlife: Told One Story at a Time

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