Le plus grand plan d’eau du département de la Mayenne est régulièrement vidé

Situation du lac de Haute-Mayenne (Mayenne)

Situation du lac de Haute-Mayenne (Mayenne).
Carte : Ornithomedia.com

Le lac de Haute-Mayenne, situé au confluent de la Mayenne, de la Varenne et de la Colmont, a été créé suite à la construction d’un barrage en 1978. Il sert à soutenir le débit de la Mayenne lorsqu’il est au plus bas et à garantir l’approvisionnement en eau potable du nord du département. D’une superficie de 123 hectares et d’une profondeur maximale de 7,2 m , c’est le plus grand plan d’eau de la Mayenne.
Son niveau d’eau est abaissé tous les cinq ans d’environ 2,50 mètres pour permettre différents travaux  d’entretien et d’inspection. Cette opération est souvent menée vers le 15 septembre pour une durée moyenne de six semaines, mais en 2025, elle a débuté en août. Pendant l’abaissement, l’accès au lit est interdit au public et la navigation et la pêche sont suspendues pour des raisons de sécurité et protection des milieux aquatiques. Le prochain vidage du lac est prévu en 2030.

Une gestion des herbiers aquatiques pour favoriser les poissons et les odonates

Du fait de son intérêt naturaliste, le lac de Haute-Mayenne a été classé en Espace Naturel Sensible. Depuis 2010, le  Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) de Mayenne accompagne le département de la Mayenne dans la gestion du plan d’eau pour une meilleure prise en compte de sa biodiversité.

Vue du lac de Haute-Mayenne (Mayenne)

Vue du lac (vidangé) de Haute-Mayenne (Mayenne) le 28 septembre 2025 : au fond, le village de la Haie-Traversaine (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Ornithomedia.com

Un recensement et un suivi de la végétation aquatique sont régulièrement menés : des nénuphars plantés en automne 2014 ont réussi leur implantation. Parmi les autres espèces notables présentes et intéressantes pour la reproduction des gastéropodes et des poissons, citons la Renouée amphibie (Polygonum amphibium), les Potamots noueux (Potamogeton nodosus) et crépu (P. crispus) et le Myriophylle en épis (Myriophyllum spicatum). Le Grand Lagarosiphon (Lagarosiphon major), une espèce envahissante originaire d’Afrique du Sud appréciée en aquariophilie et capable de coloniser de très larges surfaces d’eau, a été découvert durant l’été 2016 et fait l’objet de campagnes d’arrachage par le CPIE. Une autre plante exotique, l’Élodée de Nuttall (Elodea nuttalii) a aussi été observée près du barrage et fait l’objet d’un suivi. 
Chaque année, une fauche des peuplements de Baldingères faux-roseau (Phalaris arundinacea) a lieu pour maintenir cette ceinture végétale en évitant qu’elle évolue naturellement vers des stades boisés et de favoriser la reproduction des poissons. Des zones de frayères pour  poissons et batraciens, et par extension pour les mollusques et les crustacés ont été aménagées. Enfin, les coupes de branchages en bordure de lac permettent la création de zones favorables à la reproduction du Brochet (Esox lucius). Toutes ces actions contribuent à la richesse piscicole du lac.
L’inventaire des odonates mené par le CPIE Mayenne a permis de recenser 13 espèces, dont le Caloptéryx éclatant (Calopteryx splendens), le Gomphe à pinces (Onychogomphus forcipatus) et la Cordulie métallique (Somatochlora metallica). La Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), une espèce patrimoniale rare et protégée, qui avait été observée durant les suivis de 2013 et 2014, n’a pas été revue depuis, mais il est probable qu’elle se reproduise encore sur le site. 

Accès et bon point d’observation

Carte du lac de Haute-Mayenne (Mayenne)

Carte du lac de Haute-Mayenne (Mayenne) et (1) bon site d’observation (en rouge, le chemin accessible longeant le lac). Les vasières découvertes lors du vidage en août et septembre 2025 sont représentées. 
Carte : Ornithomedia.com

Depuis Le Mans ou Laval, rejoignez la ville de Mayenne, puis prendre la D23 vers Ambrières-les-Vallées. Au niveau de la Haie-Traversaine, prendre la direction du barrage de Saint-Fraimbault-de-Prières puis se garer au nveau de l’aire de stationnement créée à proximité. Une boucle en accès libre de 1,3 km autour de Saint-Georges-de-l’Isle a été aménagée pour sensibiliser les visiteurs à la richesse et à la fragilité du lieu, et il est conseillé de l’emprunter sur une partie de son parcours à partir du barrage pour avoir une bonne vue sur le lac (voir notre carte). Une exposition de photos, réalisées par Eric Médard, et un point d’information sur le lac sont par ailleurs visibles près du barrage.

Des oiseaux nicheurs peu nombreux

Environ 180 espèces d’oiseaux ont été observées sur le lac de Haute-Mayenne et dans ses environs immédiats depuis 1980. Du fait de ses vidanges régulières, ses rives sont dépourvues d’une végétation aquatique dense, ce qui empêche la nidification d’oiseaux paludicoles, à l’exception du Grèbe huppé (Podiceps cristatus) et du Canard colvert (Anas platyrhynchos). Un couple de Sternes pierregarins (Sterna hirundo) a tenté une nidification sur une plateforme de l’école de voile, installée sur les rives du lac. Un œuf avait été pondu et était couvé, mais la plateforme a été déplacée et la nidification a échoué.
Le Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) est vu toute l’année. Un couple de Faucons pèlerins (Falco peregrinus) niche à proximité et peut parfois chasser sur le site.
Le bocage qui entoure le lac accueille un cortège typique de passereaux nicheurs des zones cultivées et boisées, y compris les Pics noir (Dryocopus martius) et mar (Dendrocoptes medius).

Des oiseaux plus nombreux durant les périodes d’abaissement

Bécasseaux rousset (Calidris subruficolli), minute (C. minuta et Combattant varié (C. pugnax)

Bécasseaux rousset (Calidris subruficollis), minute (C. minuta) et Combattant varié (C. pugnax) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) le 28 septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Tony Wright

La vallée de la Mayenne constitue un axe de migration assez fréquenté par les oiseaux qui suivent les côtes de la Manche et qui coupent vers le sud pour rejoindre les côtes atlantiques. Lorsque le lac de Haute-Mayenne est vidangé tous les cinq ans, elle laisse apparaître des vasières et/ou des bancs de sable riches en matière organique et en invertébrés qui étaient auparavant immergés, offrant des ressources alimentaires pour de nombreuses espèces d’oiseaux, notamment pour des limicoles qui peuvent sonder les sédiments pour se nourrir de vers, de larves d’insectes, de mollusques ou de crustacés, tandis que les canards et les oies trouvent des graines, de la végétation aquatique et de petits invertébrés, et que les poissons concentrés dans les quelques zones encore en eau deviennent plus facilement les proies des ardéidés, des cigognes, des laridés, du Martin-pêcheur d’Europe et des rapaces. 
Des suivis ornithologiques sont menés durant les périodes d’abaissement par le CPIE Mayenne et par d’autres observateurs. Lors de l’opération qui a débuté en août 2025 et qui s’est poursuivie durant le mois de septembre, les grandes vasières découvertes ont attiré un nombre élevé de limicoles. Le 28 septembre, près de 65 Grands Gravelots (Charadrius hiaticula) ont ainsi été comptés. D’autres espèces étaient présentes ce jour-là, dont les Bécasseaux variable (Calidris alpina), cocorli (C. ferruginea) et minute (C. minuta), le Combattant varié (Calidris pugnax), les Chevaliers guignette (Actitis hypoleucos) et culblanc (T. ochropus), la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) et le Vanneau huppé (Vanellus vanellus).
Le 22 septembre, Julien et Robin Souriou ont fait une découverte remarquable : un Bécasseau rousset (Calidris subruficollis) se nourrissait  sur les vasières parmi les autres limicoles plus classiques, et il est resté jusqu’à la fin du mois (au moins), attirant de nombreux observateurs. Cette observation montre qu’un lac de barrage, même situé en plein bocage, peut devenir très attractif lorsque son niveau d’eau baisse. D’ailleurs, lors d’une vidange précédente, un Bécasseau tacheté (Calidris melanotos) avait déjà été observé. 
D’autres espèces intéressantes peuvent être notées sur le lac durant les migrations : Spatule blanche (Platalea leucorodia) (relativement régulière), Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) (16 données ), mais aussi Sterne caspienne (Hydroprogne caspia), Héron pourpré (Ardea purpurea), Ibis falcinelle (Plegadis falcinellus) et Cigognes blanche (Ciconia ciconia) et noire (C. nigra) (rares). La Grande Aigrette (Ardea alba), le Héron cendré (A. cinerea) et le Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo) sont par contre nombreux. 
Au printemps, le passage de sternes, de guifettes et de canards de surface est à surveiller : la Guifette leucoptère (Chlidonias leucopterus) a ainsi été observée en 2024.

Bécasseaux rousset (Calidris subruficollis) et minute (C. minuta) de première année

Bécasseaux rousset (Calidris subruficollis) et minute (C. minuta) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Bécasseau rousset (Calidris subruficollis)

Bécasseau rousset (Calidris subruficollis) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Bécasseau rousset (Calidris subruficollis)

Bécasseau rousset (Calidris subruficollis) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) le 28 septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Tony Wright

Bécasseau cocorli (Calidris ferruginea)

Bécasseau cocorli (Calidris ferruginea) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Grand Gravelot (Charadrius hiaticula) de première année

Grand Gravelot (Charadrius hiaticula) de première année sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Bécasseau variable (Calidris alpina) adulte en mue

Bécasseau variable (Calidris alpina) adulte en mue sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Héron pourpré (Ardea purpurea) juvénile

Héron pourpré (Ardea purpurea) juvénile sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Sternes caspiennes (Hydroprogne caspia)

Sternes caspiennes (Hydroprogne caspia) et Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus) sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) en septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Des laridés devenus moins nombreux en hiver  

Goélands bruns (Larus fuscus) et leucophées (L. michahellis)

Goélands bruns (Larus fuscus) et leucophées (L. michahellis) sur le lac de Haute-Mayenne (Mayenne) le 28 septembre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Ornithomedia.com

Le lac de Haute-Mayenne a constitué un très important dortoir hivernal de laridés jusqu’en 2023 en raison de la proximité d’un centre d’enfouissement des déchets, mais il s’est déplacé  vers les grands bassins d’une sablière proche non accessible au public, à cause en partie de dérangements causés par la pratique de la chasse sur des propriétés voisines et des tirs sur le dortoir de Grands Cormorans qui se forme sur le côteau boisé en face du barrage. Parmi les espèces régulières, certaines peu communes étaient parfois observées, comme les Goélands à ailes blanches (Larus glaucoides) et bourgmestre (L. hyperboreus) (dernières données en 2020), tandis que le Goéland pontique (L. cachinnans) était régulier jusqu’en 2021.
Les canards hivernants sont peu nombreux en dehors des vagues de froid, mais les Oies cendrée (Anser anser) et rieuse (A. albifrons), la Bernache cravant (Branta bernicla), le Harle bièvre (Mergus merganser), le Garrot à œil d’or  (Bucephala clangula) ont déjà été vus, ainsi que des plongeons (Gavia sp.).

Un étang mayennais conseillé à proximité, l’étang de Beaucoudray

Au sud du lac de Haute-Mayenne, non loin de la ville de Mayenne et près du village d’Aron, l’étang de Beaucoudray est certainement le plus riche de Mayenne d’un point ornithologique, aussi bien durant la période de nidification que lors des passages et en hiver. Depuis Aron, il faut prendre la D7 vers Jublains, puis la seconde petite route à gauche, vers les fermes de la Gilardière et de la Fourmière. Après un petit passage sur une route goudronnée, il faut emprunter un chemin de terre jusqu’à la digue. Près de l’étang, le bocage accueille une avifaune nicheuse intéressante, qui comprend la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) et l’Élanion blanc (Elanus caeruleus).
À l’est du département de la Mayenne, les collines de Coëvrons, qui culminent au mont Rochard (357 mètres d’altitude), forment aussi un ensemble préservé de bocage, de forêts et d’étangs.  

D’autres exemples de plans d’eau régulièrement vidés qui attirent les oiseaux 

Faucon pèlerin (Falco peregrinus)

Faucon pèlerin (Falco peregrinus) sur le lac d’Orient (Aube) vidangé en décembre 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Ornithomedia.com

D’autres lacs de barrage ou étangs artificiels vidés partiellement ou totalement de manière régulière sont réputés pour leur intérêt ornithologique durant ces opérations de vidange.  En France, les plus connus sont certainement les grands réservoirs de Champagne : lacs du Der-Chantecoq (Marne/Haute-Marne) (lire Où observer les oiseaux remarquables du lac du Der-Chantecoq en hiver ?) et aubois (lire Où observer les oiseaux sur les lacs d’Orient, d’Auzon-Temple et d’Amance ?). Servant de régulateurs des crues de la Seine et de la Marne pour la région parisienne et de soutien d’étiage pour ces cours d’eau en période de sécheresse, ils sont remplis entre novembre et juin pour stocker l’eau, et ils sont vidangés entre juillet et fin octobre‑novembre, une partie des eaux étant restituée aux rivières, pour répondre aux besoins en eau en aval. Les vastes vasières et prairies herbeuses découvertes en automne sont alors visitées par des milliers de canards, d’oies, de limicoles et de Grues cendrées (Grus grus) (plus de 50 000 selon les journées de comptage), des rassemblements qui attirent des rapaces comme le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), le Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla) et même parfois l’Aigle impérial (Aquila heliaca), et les zones encore en eau sont activement parcourues par des milliers de hérons, d’aigrettes et de Grands Cormorans, mais aussi par des Cigognes noires à la fin de l’été (lire Bilan de la migration postnuptiale 2016 de la Cigogne noire sur les lacs aubois). Les îlots qui se forment servent de dortoirs sûrs pour les grues, les canards et les limicoles. 
Dans les Deux-Sèvres, le lac de barrage de Cébron est aussi connu pour ses stationnements de limicoles, de Spatule blanches (Platalea leucorodia) et de sternes, dont la caspienne (Hydroprogne caspia), quand son niveau d’eau est bas (lire Le lac du Cébron : un réservoir pour les oiseaux et les hommes). 
Les grandes régions d’étangs piscicoles, comme la Brenne (Indre) (lire Nicolas Van Ingen et Patrick Luneau nous parlent du documentaire « Attention fragile, les étangs de Brenne »), la Sologne (Loiret/Cher), le Forez (Loire) (lire) pu la Dombes (Ain) (lire Une population de Talèves sultanes va-t-elle s’établir dans la Dombes ?), sont aussi réputées pour leurs concentrations en oiseaux durant les phases de vidange. 

Une vidéo de présentation du lac de Haute-Mayenne 

Vidéo de présentation du lac de Haute-Mayenne (Mayenne).
Source : Guillaume Caillère

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