Le Bécasseau spatule (Calidris pygmaea) est un petit limicole (longueur de 14 à 16 cm) au bec noir dont l’extrémité est élargie et aplatie. En vol, une barre blanche est bien visible. La femelle est identique au mâle mais est légèrement plus grande. La queue est noire au centre mais les rectrices externes sont grises. Les pattes et les doigts sont noirs. En plumage nuptial, l’adulte a la tête, le cou et la poitrine brun-roux striés de brun foncé. La base du bec et le menton sont blanchâtres, ainsi que les parties inférieures. Le manteau, les scapulaires et les rémiges tertiaires sont châtain-roux et leur centre est noir. L’adulte en plumage internuptial a le dessus gris-brunâtre, le front, les larges sourcils et les parties inférieures blancs, et de fines stries sombres sur les côtés de la poitrine et des parotiques. Le juvénile a les plumes du dessus brun sombre bordée de chamois et de blanc. Un « V » indistinct est parfois visible sur les bords du manteau et des scapulaires.

Il niche localement dans la toundra côtière de la Sibérie orientale (Russie), dans les oblasts (= divisions administratives) de la Tchoukotka (lire Inventaire ornithologique dans la Tchoukotka du 7 au 26/06/2017) et probablement du Kamchatka, même si aucun cas de nidification confirmé n’y aurait été trouvé depuis près de 50 ans. Il migre le long des côtes de Corée, du Japon et de Chine (lire Les vasières de Rudong sont vraiment le meilleur secteur pour observer le Bécasseau spatule) et hiverne en Asie du Sud (Bangladesh) et du Sud-est (Hong Kong, Thaïlande, Myanmar, Indonésie et Philippines).

C’est une espèce en danger critique d’extinction, avec une population actuelle qui serait inférieure à 500 adultes. Il est surtout menacé par la destruction de ses zones de migration (lire Requiem pour les vasières sud-coréennes) et d’hivernage, et par la chasse illégale (lire Le Bécasseau spatule menacé par la chasse au Myanmar). Son déclin semble toutefois se ralentir, grâce aux mesures de conservation prises au niveau international, incluant un programme de reproduction en captivité à partir d’œufs collectés dans la nature (qui a déjà permis l’envol de 132 oiseaux), la lutte contre le braconnage et le suivi d’individus par la pose d’émetteurs.

Le plus petit émetteur satellite solaire au monde, pesant à peine 1,2 gramme et coutant près de 5 000 dollars, a été mis au point par la société californienne Microwave Telemetry en Californie. Il est suffisamment léger pour pouvoir être posé sur les plumes du dos d’un Bécasseau spatule sans avoir besoin d’un harnais, garantissant son détachement naturel pendant la mue. Depuis 2016, plusieurs émetteurs ont été placés sur une douzaine d’individus en hivernage en Asie du Sud et du Sud-est, permettant d’identifier de nouveaux sites importants sur leur parcours migratoires vers leurs sites de nidification sibériens, encore mal connus, à cause notamment de l’étendue de la zone à explorer, de son isolement et de la difficulté d’accès (lire Rencontre avec le Bécasseau spatule en Sibérie orientale). En 2024, le suivi d’un Bécasseau spatule, connu sous le nom de « K9 », équipé d’un émetteur satellite, avait permis de découvrir un site de nidification dans une vallée fluviale aride de l’oblast de la Tchoukotka, un habitat surprenant car l’espèce niche généralement le long des côtes sablonneuses ou graveleuses parsemées de buissons  (lire Découverte en 2024 d’un site de nidification inconnu et inattendu du Bécasseau spatule dans le nord-est de la Sibérie).

Situation de la péninsule du Kamtchatka (Russie)

Situation de la péninsule du Kamtchatka (Russie).
Carte : Ornithomedia.com 

Selon un article publié le 26 juillet 2025 sur le site web du journal Komsomolskaïa Pravda, grâce à la pose d’émetteurs sur plusieurs Bécasseaux spatule en 2024 en Thaïlande, un individu a stationné au printemps 2025 sur un plateau à près de 40 kilomètres des côtes de l’océan Pacfique.

Le 8 juillet, 2025, une expédition scientifique organisée par la Société Russe pour la Conservation et l’étude des Oiseaux (Rossiyskogo Obshchestva Sokhraneniya i Izucheniya Ptits) a quitté Moscou pour le Kamtchatka. Grâce aux signaux émis par des émetteurs, il a été possible de repérer une zone d’environ 25 kilomètres carrés. Après avoir atteint ce secteur difficile d’accès grâce à un hélicoptère, ils l’ont exploré pendant une dizaine de jours et ils ont  réussi à trouver plusieurs Bécasseaux spatule nicheurs à l’aide d’enregistrements de leurs cris et de l’imagerie thermique, leur camouflage rendant leur repérage difficile. Ils ont compté au total trois couples avec leurs couvées, et ils ont bagué neuf poussins et un adulte.

Cette expédition a donc permis de récolter de nouvelles données précieuses concernant l’aire de nidification et la biologie de ce limicole mal connu et en danger. 

Bécasseau spatule (Calidris pygmaea) et ses poussins dans un site de nidification dans le nord-est de la Sibérie (Russie).
Source : luigi scarpellini

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