Les cas d’hybridation entre des espèces différentes de la famille des Ardéidés (hérons, aigrettes, etc.) ne sont pas rares : elles peuvent appartenir au même genre, comme entre les Hérons cendré (Ardea cinerea) et pourpré (A. purpurea) en Europe (lire Un hybride Héron pourpré x Héron cendré en Indre-et-Loire) ou entre les Hérons vert (Butorides virescens) et strié (B. striata) en Amérique tropicale, mais aussi, bien que plus rarement, entre deux représentants appartenant à des genres différents, ce qui confirme la difficulté de déterminer la frontière exacte entre des espèces pourtant nettement distinctes : citons les hybrides entre le Héron cendré et l’Aigrette garzette (Egretta garzetta) nés en 2018, 2022 et 2024 dans le parc ornithologique du Marquenterre (Somme) (lire Un nouveau cas d’hybridation entre une Aigrette garzette et un Héron cendré dans le parc du Marquenterre en juillet 2024), ou encore entre le Crabier chinois (Ardeola bacchus) et l’Aigrette garzette (lire Un hybride naturel entre une aigrette et un crabier). 

Aire de nidification de l'Aigrette des récifs (Egretta gularis)

Aire de nidification de l’Aigrette des récifs (Egretta gularis) (en vert clair, de la sous-espèce nominale E. g. gularis et en vert sombre, de la sous-espèce E. g schistacea) et situation de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre), où un adulte et des hybrides avec l’Aigrette garzette (E. garzetta) ont été observés durant l’été 2025.
Carte : Ornithomedia.com d’après The Cornell Lab of Ornithology

Les hybridations entre les Aigrettes garzette et des récifs (ou à gorge blanche) (E. gularis) sont peu fréquents en Europe, même s’ils plus régulièrement notés dans le sud du continent ou en Afrique du Nord (lire Réflexions à propos d’un probable hybride Aigrette des récifs x garzette observé en Algérie en 2019). Les jeunes issus de ces accouplements interspécifiques attirent parfois l’attention des observateurs par leur plumage particulier, qui peut être blanc parsemé de plumes sombres ou en grande partie grisâtre.
 
Au début du mois de juillet 2025, une Aigrette des récifs de forme sombre a été découverte dans un endroit atypique : un barrage sur la Loire situé à Saint-Léger-des-Vignes, dans le département de la Nièvre, loin du littoral méditerranéen. Les conditions d’observation étant parfois très bonnes, elle a pu être photographiée par de nombreux observateurs. Elle était encore présente le 16 août au moins (lire L’Aigrette des récifs découverte dans la Nièvre en juillet 2025 appartient-elle à la sous-espèce nominale d’Afrique occidentale ?).

La raison de ce long stationnement a été récemment découverte : le 15 août, deux juvéniles (avec encore du duvet sur la tête) hybrides, au plumage entièrement blanc, à l’exception de quelques plumes noirâtres, et aux pattes en partie jaunâtres, ont été vus quémandant de la nourriture auprès de l’Aigrette des récifs de forme sombre. On ne connaît pas le lieu de leur naissance, même si leur nid pourrait avoir été construit dans la colonie mixte d’Aigrettes garzettes, de Hérons garde-bœufs (Ardea ibis) et de Bihoreaux gris (Nycticorax nycticorax) installée un peu en amont du barrage, dans de grands arbres à la confluence de la Loire et de la rivière Aron. Fait intéressant, Marc Duquet a signalé sur son blog Post-Ornithos l’observation dans le même département d’un autre hybride plus fortement marqué de gris sombre a été photographié le 6 août 2025 à Germigny-sur-Loire, à plus de 40 km de Saint-Léger-des-Vignes. Par ailleurs, d’autres individus issus d’un croisement entre les deux espèces ont été découverts en France cet été (voir une sélection d’observations récentes en France).

La découverte de ces nouveaux cas d’hybridation dans la Nièvre en juillet 2025 est probablement liée à l’attention portée par les observateurs à la longue présence d’une Aigrette des récifs de forme sombre sur la Loire, mais elle révèle peut-être également un début de changement du statut de cette espèce tropicale sur notre continent. En effet, la sous-espèce nominale est capable de grands déplacements et semble capable de s’installer sur de nouveaux continents : un processus de colonisation semble en effet en cours au Brésil. En attendant qu’un nombre suffisants de partenaires disponible de cette espèce soient présents en Europe, les individus isolés choisiraient de s’accoupler avec l’espèce la plus proche, l’Aigrette garzette. 

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