Le Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) est une fauvette aquatique mesurant entre 11,5 et 13 cm de long. Il ressemble étroitement au Phragmite des joncs (A. schoenobaenus), mais il en diffère par la présence d’une nette bande médiane étroite jaune sur la calotte (bien plus nette que celle visible chez le juvénile du Phragmite du joncs), de « bretelles » chamois et de rayures noires plus marquées sur le dos. Sa teinte générale est également plus claire. L’adulte présente d’autre part souvent des stries fines sur la poitrine et les flancs.

Aire de répartition du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola)

Aire de répartition du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) : en rouge, sa zone actuelle de nidification, en jaune, son ancienne aire de reproduction, en vert les trajets connus de migration et en bleu, sa zone d’hivernage documentée.
Carte : Ornithomedia.com

Il niche dans des cariçaies (marais à carex ou laîches) assez ouvertes et faiblement inondées en Lituanie, en Pologne, en Russie, en Biélorussie (Bélarus) et en Ukraine. C’est une espèce globalement menacée, avec seulement de 10 200 à 13 800 mâles chanteurs (environ 22 000 adultes) recensés dans le monde, principalement concentrés au Bélarus (38 % du total), en Ukraine (33 % du total) et en Pologne (27 % du total). Il se reproduit aussi en Russie, mais ses effectifs sont mal connus. 

Au cours de sa migration automnale vers l’Afrique de l’Ouest, l’espèce longe principalement les côtes de l’ouest et du sud-ouest de l’Europe, faisant une halte dans  plusieurs zones humides littorales françaises, comme l’estuaire de la Seine en Seine-Maritime (lire Rencontre avec le Phragmite aquatique dans la réserve naturelle de l’estuaire de la Seine)  ou le marais du Mès en Loire-Atlantique (lire Le marais du Mès, une étape pour le Phragmite aquatique). 

Au cours du XXe siècle, il a subi un déclin très sévère (diminution de plus de 90 % de sa population), cessant de nicher dans plusieurs pays d’Europe, principalement à cause de la destruction de son habitat, de l’abandon des méthodes agricoles traditionnelles provoquant un développement des roselières et des saulaies au détriment des peuplements de laîches, de la canalisation des cours d’eau et des sécheresses répétées en Afrique. Sa population actuelle est fortement fragmentée, une situation qui augmente le risque d’extinction en réduisant  la diversité génétique : il a ainsi disparu de Hongrie en 2011 et d’Allemagne en 2014, où il nichait en Poméranie, près de la frontière polonaise.

Depuis les années 2000, les populations connaissent des tendances variables : certaines stagnent, d’autres déclinent, et quelques régions (notamment en Pologne de l’Est) montrent un léger redressement grâce à des mesures de conservation. Le projet européen LIFE, mené dans le parc national de Biebrza (Pologne) et en Poméranie (Allemagne), a permis une augmentation de 20 % de la population polonaise entre 2005 et 2010 grâce à la restauration de  centaines d’hectares d’habitats favorables. En 2023, le succès de la reproduction en Pologne orientale, en Biélorussie et en Lituanie aurait été plus élevé qu’en 2022.

En Lituanie, où ne vit qu’1 % de la population mondiale, ce passereau continue toutefois de décliner malgré une restauration réussie de plusieurs zones humides importantes : par exemple, dans la réserve de la biosphère de Žuvintas, le nombre d’individus est passé de 20 à 25 en 1986 à quatre mâles chanteurs en 2016. Pour tenter de sauver le Phragmite aquatique dans ce pays balte, un transfert de cent jeunes a été mené en 2018 et en 2019 entre la zone humide biélorusse de Zvanec, qui accueille la plus grande population mondiale, avec environ 3 000 chanteurs (lire Voyage ornithologique au Bélarus en mai 2009 – première partie), et la réserve lituanienne de Žuvintas, dans le cadre d’un programme européen incluant, outre le pilotage de la translocation, une restauration de 200 hectares d’habitats favorables dans le lieu d’accueil (lire Le transfert réussi de 100 jeunes Phragmites aquatiques entre le Bélarus et la Lituanie depuis 2018).

Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola)

Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) mâle chanteur dans un champ de céréales dans le nord-est de la Pologne en juin 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Grzesiek Grygoruk  

En Pologne, plus de 3 000 mâles chanteurs ont été recensés, soit entre 25 et 34 % de la population mondiale selon les estimations. Entre 1969 et 2013, certaines populations ont disparu, surtout à l’ouest et au cntre du pays, alors qu’à l’Est, elle reste stable. Des recolonisations ponctuelles ont même été observées, suggérant une dynamique positive. La vallée de la Biebrza  accueille près de 2 000 mâles chanteurs, soit environ 90 % du total national. Le parc national de Poleski  (de 351 à 389 mâles chanteurs en 2011) et le secteur de Roskosz (environ 195 mâles) sont les deux autres sites les plus importants pour l’espèce dans le pays. 
 
La situation de l’espèce en Pologne est donc encourageante mais elle reste fragile, d’autant plus que l’augmentation de la fréquence des sécheresses dans les sites de nidification et d’hivernage constitue une menace supplémentaire. Toutefois, des observations récentes atypiques, effectuées en Pologne, pourraient suggérer que l’espèce est capable de s’adapter à de nouveaux habitats, peut-être quand les conditions d’accueil des marais sont défavorables ou que les territoires disponibles se raréfient : en juin 2025, Grzesiek Grygoruk a ainsi publié sur sa page Facebook plusieurs photos d’un mâle chanteur cantonné dans un champ de céréales (peut-être de triticale) dans le nord-est du pays. Il précise que d’autres cas similaires ont déjà été signalés.

Ce comportement remarquable rappelle celui d’autres passereaux paludicoles, comme la Rousserolle verderolle (A. palustris) (lire Les champs de Chanvre cultivé constituent-ils un habitat de nidification attractif pour la Rousserolle verderolle ?).  

Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) mâle chanteur dans un marais près de Chelm (Pologne) en juillet 2015.
Source : Michał Gągała

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