Rappel : topographie du plumage et terminologies des mues 

Topographies du dos et de l'aile d'un goéland

Schéma 1- Topographies du dos et de l’aile d’un goéland : (1) manteau, (2) scapulaires, (3) petites couvertures, (4) couvertures moyennes, (5) grandes couvertures, (6) rémiges secondaires, (7) rémiges tertiaires, (8) rémiges primaires et (9) projection primaire (= longueur visible des rémiges primaires au-delà des tertiaires et des secondaires quand l’aile est fermée).
Schéma : Ornithomedia.com

Le plumage est composé de l’ensemble des plumes de l’oiseau (lire Les plumes des oiseaux). On distingue globalement les plumes de vol (les rectrices de la queue et les rémiges primaires, secondaires et tertiaires des ailes) et les tectrices, plus petites et qui recouvrent la plus grande partie du corps, y compris une partie des ailes et de la queue (les couvertures alaires et les sus- et sous-caudales sont en effet des tectrices).
Toutes ces plumes ne sont pas réparties de façon hasardeuse ou aléatoire : elles sont regroupées dans les différentes parties du corps (calotte, nuque, épaules, gorge, ailes, etc.), une distribution qui constitue la topographie du plumage (voir schéma 2). La distribution des plumes sur les ailes est la partie la plus complexe (voir schéma 1).
Afin de remplacer les plumes usées, tous les oiseaux muent au moins une fois chaque année, en fin d’été/automne.
L’usure modifiant les couleurs en éliminant les franges extérieures des plumes, l’observation des plumages et du degré d‘usure permet donc d’avoir une idée de l’âge des oiseaux. 
Il existe trois grandes terminologies des mues, qui décrivent la succession des plumages en fonction de la saison et de l’âge : cycles de vie, calendaire et d’Humphrey-Parkes (lire Comprendre la mue chez les oiseaux). 
La première, ou terminologie des cycles de vie, est certainement la plus couramment utilisée en Europe. Elle explique que les oiseaux passent par plusieurs cycles de plumage au cours de leur vie, rythmés par les mues. Un cycle correspond à la période entre deux mues complètes (= incluant le remplacement des rémiges primaires internes), d’une durée généralement d’une année.
La première mue complète se produit quand le poussin, recouvert de duvet, acquiert son plumage juvénile (= le plumage que l’oiseau porte juste après avoir quitté le nid), et la deuxième mue complète a lieu environ un an plus tard, quand l’oiseau acquiert son premier plumage internuptial à partir de la fin de l’été de l’année qui suit celle de sa naissance. Un oiseau de premier cycle est donc âgé de moins d’un an, il a généralement encore tout ou partie de son plumage juvénile ou un plumage de transition (par exemple, un plumage post-juvénile de premier hiver).
Le nombre de cycles nécessaire avant d’atteindre le plumage adulte varie selon les oiseaux : il est acquis au second cycle chez les passereaux, mais au quatrième seulement chez les grands goélands.  

Topographie du plumage d'un limicole

Schéma 2- Topographie du plumage d’un limicole.
Schéma : Ornithomedia.com

Prenons l’exemple des bécasseaux du genre Calidris, qui muent généralement deux fois par an. On distingue plusieurs plumages en fonction de l’âge et de la période de l’année :

  • Précycle. Plumage de poussin (composé de duvet), conservé quelques semaines jusqu’à la mue préjuvénile basique complète.
  • Premier cycle. Plumage juvénile, conservé jusqu’à la mue post-juvénile (dite formative), souvent partielle, qui débute à la fin de l’été et se poursuit une partie de l’automne. 
  • Premier cycle. Plumage de premier hiver (appelé aussi premier plumage basique), conservé jusqu’à une mue partielle (= mue alternative 1) qui se déroule au cours de l’hiver ou du début du printemps de la deuxième année et qui touche les plumes du corps, des couvertures alaires et des tertiaires.
  • Premier cycle. Premier plumage d’été (ou premier plumage alternatif), conservé jusqu’à une mue complète (= mue basique 2) des plumes du corps qui se déroule entre août et octobre (l’oiseau est alors âgé d’un an). Il devient usé à la fin de l’été. 
  • Second cycle. Plumage adulte internuptial (ou plumage définitif de base), conservé jusqu’à une mue partielle (= mue alternative définitive) qui se déroule entre janvier et avril et qui touche la plupart des plumes du corps, les tertiaires, les rectrices centrales et souvent plusieurs couvertures alaires (l’oiseau est alors âgé d’un an).  
  • Troisième cycle. Plumage adulte nuptial (ou plumage alternatif définitif), conservé jusqu’à une mue postnuptiale complète (= mue basique définitive) qui se déroule entre août et octobre.

Dans ce cas, le premier cycle comprend donc les plumages juvénile, de premier hiver et de premier été. Le second cycle commence après la mue complète qui se déroule entre août et octobre de l’année qui suit sa naissance et qui lui permet d’acquérir son plumage adulte internuptial (ou plumage basique définitif).

Qu’est-ce qu’un contraste de mue ?

Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) mâle de deuxième année

Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) mâle de deuxième année (de premier cycle) en Camargue (Bouches-du-Rhône) le 24 avril 2025 : notez le contraste de mue entre (1) les scapulaires noires et (2) les couvertures et les rémiges entièrement brunes (et non pas sombres) issues du plumage de premier hiver (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Le Moal

On appelle contraste de mue la différence marquée d’aspect, au niveau de la coloration ou de l’état d’usure, des plumes d’un même ensemble (souvent les grandes couvertures sus-alaires ou les rémiges primaires) ou entre les plumes de deux ensembles qui se jouxtent (par exemple entre les rémiges tertiaires et les autres rémiges ou entre les moyennes et les grandes couvertures sus-alaires). Cette dissemblance apparaît d’une part lorsque les plumes appartiennent à deux générations différentes (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas issues du même cycle de mue), comme par exemple les plumes juvéniles et adultes, et d’autre part lorsque les plumes d’une même génération ne sont pas toutes renouvelées à la même période (par exemple quand une partie d’entre elles mue avant la migration d’automne et le reste plus tard dans l’hiver).
En général, les plumes juvéniles issues de la première mue basique totale (celle par laquelle le poussin perd son duvet et obtient son premier véritable plumage) ont une taille (souvent) inférieure et une coloration et une forme différentes des plumes adultes, acquises lors de la mue basique définitive (= mue postnuptiale). En outre, comme les plumes juvéniles sont de qualité moindre que celles des adultes, elles s’usent davantage, se décolorent beaucoup plus vite et deviennent donc rapidement plus courtes et plus brunes que les plumes adultes.

L’exemple des fringilles (linottes, pinsons, etc.)

Chez la plupart des fringilles, un contraste de mue est bien visible à l’automne au niveau des grandes couvertures sus-alaires : dans la majorité des cas, lors de la mue formative (= de passage du plumage juvénile au plumage de premier hiver), seules quelques grandes couvertures internes sont renouvelées : ces plumes neuves, de type adulte, tranchent alors avec les plumes externes juvéniles (usées) qui subsistent. En règle générale, les grandes couvertures juvéniles sont en effet plus courtes (même neuves) et moins noires, et elles ont des liserés plus blanchâtres, plus fins et moins bien définis ; plus tard dans l’année, les grandes couvertures juvéniles sont fortement usées (elles ont plus d’un an !) et apparaissent donc encore plus courtes et plus brunes que les plumes adultes, récemment muées, qui sont plus longues, plus noires et visiblement plus neuves.
Le nombre moyen de grandes couvertures renouvelées dans le cadre de cette mue formative varie selon les espèces : deux à trois grandes couvertures muées en moyenne chez le Sizerin cabaret (Acanthis flammea cabaret), deux à quatre chez le Tarin des aulnes (Spinus spinus), quatre à cinq chez le Sizerin flammé (A. f. flammea) et quatre à sept chez le Serin cini (Serinus serinus), mais plutôt neuf à dix chez le Chardonneret élégant (Carduelis carduelis) et le Verdier d’Europe (Chloris chloris).

Tarin des aulnes (Spinus spinus) mâle de premier hiver

Tarin des aulnes (Spinus spinus) mâle de premier hiver en février en Espagne. Notez le contraste de mue au sein des grandes couvertures : les plumes internes à large bout jaune sont de type adulte, tandis que les externes, blanchâtres et plus courtes sont des plumes juvéniles usées (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Santiago Caballero Carrera

Tarin des aulnes (Spinus spinus) mâle adulte

Tarin des aulnes (Spinus spinus) mâle adulte en janvier en Espagne. Toutes les grandes couvertures ont l’extrémité jaune (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Santiago Caballero Carrera

Tarin des aulnes (Spinus spinus) femelle de premier hiver

Tarin des aulnes (Spinus spinus) femelle de premier hiver en décembre en Espagne. Notez le contraste de mue au sein des grandes couvertures : les plumes internes à large bout jaune sont de type adulte, tandis que les externes, blanchâtres et plus courtes sont des plumes juvéniles usées (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Santiago Caballero Carrera

Tarin des aulnes (Spinus spinus) femelle adulte

Tarin des aulnes (Spinus spinus) femelle adulte en janvier en Espagne. Toutes les grandes couvertures ont l’extrémité jaune (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Santiago Caballero Carrera

Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) de premier hiver

Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) de premier hiver en mars en Suède. Notez les extrémités blanches et plus courtes des grandes couvertures externes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jan Andersson

Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) adulte

Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) adulte en mars en Suède. Notez les extrémités teintées d’orange de toutes les grandes couvertures externes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jan Andersson

L’exemple des buses

Buse variable (Buteo buteo) juvénile

Buse variable (Buteo buteo) juvénile dans le marais de la Grande Brière (Loire-Atlantique) le 11 septembre 2021. Notez (1) l’absence de bord de fuite sombre net de l’aile (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Le Moal

Chez les buses (Buteo sp.), les rémiges primaires et secondaires des adultes ont une large bande sombre terminale qui forme une nette barre noirâtre sur le bord de fuite (= arrière) des ailes (ainsi qu’à l’extrémité de la queue), tandis que les plumes juvéniles en sont dépourvues, ce qui donne une aile sans bord de fuite sombre. C’est un moyen simple de distinguer les juvéniles des adultes, mais cela permet aussi de différencier les immatures des adultes grâce aux dernières rémiges juvéniles qu’ils conservent. Les rémiges des rapaces sont en effet renouvelées lentement par le biais d’une mue séquentielle, commençant par les primaires, qui muent dans l’ordre depuis la P1 (la plus interne) jusqu’à la P10 (la plus externe). Lorsque la mue des primaires atteint la P4 ou la P5, un nouveau « foyer » de mue s’amorce dans les rémiges secondaires au niveau de la S1 (la plus externe), progressant vers l’intérieur, suivi de deux autres qui partent l’un de la S5 (qui progresse aussi vers l’intérieur) et l’autre des plumes les plus externes (S11 à S13 selon les espèces) et qui progresse vers l’extérieur). Dès le printemps de la deuxième année, on observe alors des rémiges de type adulte à large pointe noire parmi les autres plumes juvéniles, qui subsistent et qui sont entièrement barrées. Plus tard dans l’année, les dernières rémiges à être renouvelées sont les primaires les plus externes (les P9 et P10) et les secondaires médianes (la S4 ou les S7 à S9) : ce sont donc ces plumes qu’il faut regarder en priorité pour détecter une éventuelle buse immature.

Buse variable (Buteo buteo) de deuxième année

Buse variable (Buteo buteo) de deuxième année au-dessus des crêtes de Camurac (Ariège) le 30 juin 2021. Notez (1) les rémiges primaires internes P1 à P4 neuves, les P5 et P6 très courtes en cours de repousse, suivies des rémiges primaires externes P7 à P10 et (2) les rémiges secondaires à l’extrémité claire (juvéniles) ou foncées (adultes) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Le Moal

Buse variable (Buteo buteo) adulte

Buse variable (Buteo buteo) adulte dans le marais de Guérande (Loire-Atlantique) le 8 octobre 2021 : notez (1) le bord de fuite sombre net de l’aile et (2) la bande terminale noire de la queue (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Le Moal

Les exemples du Merle noir et des Mésanges bleue et charbonnière

En automne, grâce à l’examen du contraste de mue, il est également facile de différencier un Merle noir (Turdus merula) adulte d’un oiseau de premier hiver, ce dernier ayant des rémiges et certaines couvertures sus-alaires et des rectrices juvéniles, usées et donc brunâtres qui tranchent avec le reste de son plumage noir, tandis que le mâle adulte a les ailes du même noir que le corps. La même différence existe chez les femelles, mais elle est moins frappante en raison de la coloration globalement brune du plumage féminin.
Chez les Mésanges bleue (Cyanistes caeruleus) et charbonnière (Parus major), c’est au niveau des couvertures primaires qu’il faut rechercher un contraste de mue pour déterminer l’âge d’un individu : si elles sont usées et de teinte brune ou grise et diffèrent des grandes couvertures bleutées, c’est un immature, tandis que si l’ensemble de l’aile est bleutée, il s’agit d’un adulte.

Merle noir (Turdus merula) de premier hiver

Merle noir (Turdus merula) de premier hiver à Afra (Maroc) le 10 février 2020. Notez (1) les rémiges brunes contrastant avec le reste noir de l’aile (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Mimoun Bachiri

Merle noir (Turdus merula) adulte

Merle noir (Turdus merula) adulte à Diesen (Moselle) le 11 juin 2019. Notez (1) les rémiges entièrement noires (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jean-Pascal Weber

Attention aux pièges !

Bergeronnette printanière (Motacilma flava) adulte

Bergeronnette printanière (Motacilla flava) adulte dans la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron (Charente-Maritime) le 28 mai 2017. Notez (1) les grandes couvertures internes plus usées (bordure brunâtre) que (2) les externes, alors que chez un oiseau de deuxième année, ce serait l’inverse (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jean Morillon

Lors de leur mue basique définitive totale, les bergeronnettes (Motacilla sp.) adultes ne renouvellent pas la totalité de leurs grandes couvertures sus-alaires en même temps : les trois les plus internes muent en effet en fin d’automne, puis le processus est suspendu, le renouvellement des grandes couvertures médianes et externes ayant ensuite lieu dans le courant de l’hiver et jusqu’au début du printemps. Au printemps, bien que l’ensemble des grandes couvertures sus-alaires aient été renouvelées lors de la mue basique et soient toutes de type adulte et neuves, les bergeronnettes adultes présentent donc un léger contraste de mue, avec les trois grandes couvertures internes (qui ont mué les premières) plus usées et un peu plus courtes que les autres, d’aspect plus neuf. De même, la plus longue rémige tertiaire est plus neuve que les deux autres, qui ont mué plus tôt dans l’hiver. La différence de longueur et d’usure des grandes couvertures est toutefois beaucoup moins marquée que chez les oiseaux de deuxième année, chez qui le contraste de mue est par ailleurs inversé, les grandes couvertures internes étant neuves (de type adulte) alors que les externes, encore juvéniles, sont très usées, courtes et brunes. Un moyen complémentaire de confirmer s’il s’agit d’un adulte ou d’un oiseau de deuxième année consiste à évaluer l’état d’usure des rémiges, des couvertures primaires et des rectrices : elles sont en effet neuves (noires et en bon état) chez les adultes, alors qu’elles sont très usées (brunes et abîmées) chez les oiseaux de deuxième année. Pour le reste, les adultes et les juvéniles effectuant une mue alternative (= prénuptiale) partielle, leurs plumes de contours sont neuves et de type adulte : les mâles de deuxième année portent donc un plumage nuptial semblable à celui des mâles adultes. En résumé, au printemps, une bergeronnette avec un contraste de mue au sein des grandes couvertures est un adulte si les plumes internes sont plus usées que les externes, ou un oiseau de deuxième année si les externes sont très usées et les internes neuves.
Par ailleurs, les adultes de certaines espèces de sternes, de guifettes et de limicoles renouvellent une partie de leurs rémiges primaires avant d’effectuer leur migration postnuptiale et terminent la mue des autres au cours de l’hiver. Au printemps, les plumes ayant mué avant l’hiver sont donc nettement plus usées que les autres, ce qui génère un contraste de mue dans l’aile des adultes, tandis que chez les oiseaux de deuxième année, les rémiges, qui ont poussé simultanément, sont uniformément usées du printemps jusqu’à l’automne, lorsque intervient la première mue basique complète. Chez ces espèces, la présence d’un contraste de mue dans les rémiges indique donc un adulte (ou un subadulte de troisième année) et non un oiseau de deuxième année.

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