L’Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis)

Aigrette des récifs (Egretta gularis) de forme sombre

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre, probablement de la sous-espèce nominale E. g. gularis, près du barrage de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre) en juillet 2025. Notez (1) le bec épais en forme de dague, (2) la gorge blanche, (3) le plumage gris sombre et (4) les doigts et une partie des tarses jaunes contrastant avec le reste gris-noir des pattes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jean-Philippe Couasné

Longueur : 55 – 65 cm.

Envergure : 86 – 104 cm.

Description : l’Aigrette des récifs ressemble globalement à l’Aigrette garzette (E. garzetta), mais il existe deux formes principales de plumage : sombre et claire. Les oiseaux sombres sont faciles à identifier car ils sont entièrement gris plus ou moins sombre, avec une gorge blanche et une marque pâle variable au niveau des couvertures primaires, visible surtout en vol. Le juvénile présente une teinte brunâtre sur le dos et a une poitrine pâle. 
Les oiseaux clairs sont entièrement ou partiellement blancs et peuvent donc être très semblables à l’Aigrette garzette. Ils s’en distinguent par plusieurs critères, notamment par leur bec plus épais en forme de dague (lire Identifier et chercher l’Aigrette des récifs en Europe de l’Ouest)
Les individus clairs sont globalement moins fréquents que les individus sombres (environ 30 % de la population en moyenne), mais ils peuvent dominer localement, par exemple dans le Sinaï (Égypte), où ils représentent 80 % des oiseaux. Il existe aussi des oiseaux au plumage intermédiaire.
Le bec, relativement épais, est plus ou moins sombre, et les doigts sont jaunes.  

Voix : grognements et cris rauques.

Habitats : l’Aigrette des récifs niche principalement dans les mangroves, mais parfois aussi sur les falaises et les îlots sablonneux. En dehors de la saison de reproduction, on peut l’observer dans des habitats côtiers variés, et même à l’intérieur des terres.

Répartition et taxonomie 

L’Aigrette des récifs niche le long des côtes d’Afrique tropicale, de la péninsule Arabique et du sous-continent indien (Pakistan et Inde). Elle est considérée par certains auteurs comme étant conspécifique (= appartenant à la même espèce) avec l’Aigrette garzette, avec laquelle elle peut facilement s’hybrider.

Aire de nidification de l'Aigrette des récifs (Egretta gularis)

Aire de nidification de l’Aigrette des récifs (Egretta gularis) (vert clair, sous-espèce E. g. gularis et en vert sombre, sous-espèce E. g schistacea) et situation de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre), où un individu a été découvert en juillet 2025.
Carte : Ornithomedia.com d’après The Cornell Lab of Ornithology

Deux sous-espèces sont reconnues : 

  • E. g. gularis (nominale) : côtes d’Afrique de l’Ouest, de la Mauritanie au Gabon.
  • E. g. schistacea : côtes de l’Afrique de l’Est, de Égypte jusqu’au Kenya, de la péninsule Arabique (mer Rouge et golfe Persique), de l’Iran, du Pakistan et de l’ouest de l’Inde. Une population niche localement dans la vallée du Rift jusqu’au lac Turkana, dans le nord du Kenya.

La sous-espèce E. g. dimorpha, qui niche le long des côtes (et localement à l’intérieur des terres) du sud du Kenya, de Tanzanie, de Madagascar, des Seychelles et des Comores, est désormais généralement considérée comme une espèce distincte, l’Aigrette dimorphe (E. dimorpha). 

Une espèce occasionnelle rare en Europe, mais qui y niche parfois

L’Aigrette des récifs est une espèce occasionnelle très rare en Europe, plus souvent observée dans le bassin méditerranéen (voir une synthèse d’observations récentes en France). Des cas de couples mixtes avec des Aigrettes garzettes, qui ont produit des hybrides au plumage gris pâle ou blanc et noir et à la structure typique d’une Aigrette garzette, ont été décrits en Europe du Sud, mais aussi en Afrique du Nord (lire Réflexions à propos d’un probable hybride Aigrette des récifs x garzette observé en Algérie en 2019).
Les sous-espèces E. g. gularis (nominale) et E. g. schistacea (orientale) ont déjà été notées sur notre continent, mais la seconde est plus rare du fait de son origine plus lointaine, même s’il est difficile de les distinguer, notamment dans leur forme claire. L’aire de nidification de la sous-espèce gularis atteint au nord le banc d’Arguin en Mauritanie, et des individus isolés sont signalés chaque année dans les pays de l’ouest du pourtour méditerranéen, principalement en France, en Espagne et en Italie, mais aussi au Maroc et en Tunisie. Elle semble plus rare en Algérie.
Des oiseaux de la sous-espèce schistacea sont régulièrement notés en Israël et en Jordanie, à l’extrémité nord de la mer Rouge, les colonies les plus proches étant situées plus au sud, du Sinaï à la Corne de l’Afrique. Précisons qu’entre 1980 et 1982, des centaines d’Aigrettes des récifs de la sous-espèce schistacea originaires du Pakistan (formes claire et sombre), se sont échappées de captivité en Autriche et en Allemagne, atteignant l’Europe du Sud : cet évènement expliquerait une grande partie des observations sur notre continent durant les années suivantes. 

Observation remarquable d’une Aigrette des récifs de forme sombre dans la Nièvre en juillet 2025

Aigrette des récifs (Egretta gularis) de forme sombre

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre pêchant près du barrage de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre) le 11 juillet 2025. Notez sa posture horizontale penchée vers l’avant, avec les ailes légèrement ouvertes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Ornithomedia.com

Au début du mois de juillet 2025, la découverte d’une Aigrette des récifs de forme sombre sur le barrage sur la Loire de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre), loin des côtes de la Méditerranée, a été annoncée sur le site web Faune-france.org, attirant de nombreux observateurs et photographes. Elle était encore présente le 16 juillet au moins. Elle pêche fréquemment à proximité des Aigrettes garzettes, qui la font toutefois souvent s’envoler, la forçant à trouver sa nourriture plus loin. 
Elle a été vue rejoindre en journée et en soirée la colonie mixte d’Aigrettes garzettes, de Hérons garde-bœufs (Ardea ibis) et de Bihoreaux gris (Nycticorax nycticorax) installée un peu en amont du barrage, dans de grands arbres à la confluence de la Loire et de la rivière Aron. 
Sa technique de pêche semble un peu différente de celle de l’Aigrette garzette : plus mobile, elle court souvent dans l’eau. Quand elle est à l’affût, elle adopte une posture horizontale penchée vers l’avant, similaire à celle du Héron vert (Butorides striatus). Ses ailes sont en outre partiellement déployées, formant un « parapluie » moins complet que celui de l’Aigrette ardoisée (Hydranassa ardesiaca). Ce comportement, plus souvent observé lorsque le soleil est au zénith, servirait à créer une ombre pour une meilleure visibilité et peut-être aussi à attirer les petits poissons.  

Distinguer les deux sous-espèces de l’Aigrette des récifs : la silhouette et les parties nues (pattes et bec)

Les sous-espèces E. g. gularis et E. g. schistacea sont assez difficiles à distinguer l’une de l’autre, mais Igor Festari avait énuméré dans la revue Quaderni di birdwatching les critères pouvant être utiles pour identifier la sous-espèce E. g. schistacea :

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre, de la sous-espèce E. g. schistacea

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre de la sous-espèce E. g. schistacea dans le Krishna Wildlife Sanctuary dans l’État d’Andhra Pradesh (Inde) le 28 février 2009. Notez (1) le bec épais en partie jaune, (2) le cou « reptilien », (3) le plumage plutôt gris clair et (4) les tarses en partie jaunâtres, contrastant moins avec les doigts jaunes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : J. M. Garg / Wikimedia Commons

  • Elle est en moyenne plus grande et plus robuste que l’Aigrette garzette, alors que la sous-espèce nominale a une taille variable, certains individus étant plus petits et d’autres plus grands que l’Aigrette garzette.  
  • Ses pattes sont généralement plus épaisses et plus courtes que celles de l’Aigrette garzette et de E. g. gularis, avec un tibia plus long et un tarse plus court. 
  • Ses doigts sont en moyenne plus longs que ceux de l’Aigrette garzette et de E. g. gularis et ils sont clairement visibles derrière la queue en vol.
  • Ses ailes sont un peu plus larges que celles de l’Aigrette garzette et de E. g. gularis et elles sont nettement arrondies à leur extrémité, rappelant davantage celles d’un héron.
  • Son cou semble plus épais et plus sinueux que celui de l’Aigrette garzette et de E. g. gularis, et il est souvent maintenu en forme de S. Ceux de l’Aigrette garzette et de la sous-espèce nominale sont plus anguleux au niveau de l’articulation médiane.
  • Sa tête est plus large et moins arrondie que celles de l’Aigrette garzette et de E. g. gularis.
  • Son bec est plus long, plus massif et davantage en forme de dague que celui de l’Aigrette garzette et même que celui de E. g. gularis., avec un bord inférieur presque droit et une mandibule supérieure progressivement plus arquée vers la pointe, donnant ainsi l’impression d’être moins pointu.  
  • Son bec est plus clair que celui de l’Aigrette garzette, presque totalement dépourvu de gris-noir, souvent uniformément jaunâtre, mais parfois bicolore, la mandibule inférieure étant toujours jaune chair ou jaune-brunâtre et la mandibule supérieure gris-ocre ou brunâtre avec une extrémité jaune ou blanchâtre. Le juvénile et l’immature ont toutefois tendance à avoir un bec légèrement plus foncé et grisâtre que celui des adultes. Le bec de la sous-espèce nominale est toujours gris foncé ou noirâtre, comme celui de l’Aigrette garzette, bien qu’il puisse parfois présenter une teinte jaunâtre localisée à la base de la mandibule inférieure, comme c’est souvent le cas chez les jeunes Aigrettes garzettes. 
  • Ses lores sont clairs, jaunâtres ou gris-ocre, et apparaissent généralement uniformes par rapport à la base du bec. Les lores de la sous-espèce nominale sont par contre comparables à ceux de l’aigrette garzette ; ils sont assez foncés (du noir grisâtre, comme le bec, au vert grisâtre, voire au bleu foncé), sauf chez les jeunes, chez lesquels ils peuvent être jaunâtres, gris jaunâtre ou blanc laiteux, et chez les adultes en plumage nuptial complet (du jaune intense au rouge sang).
  • Ses pattes ne présentent presque jamais la distinction nette entre les doigts jaunes et les tarses gris-noir que l’on trouve souvent chez l’Aigrette garzette et la sous-espèce E. g. gularis (chez cette dernière, le jaune s’étend toutefois parfois jusqu’à l’articulation). Ils sont généralement uniformément brunâtres ou gris-verdâtres, chez l’adulte comme chez le juvénile, et ils sont souvent plus clairs le long de la partie antérieure du tarse et au niveau de l’articulation médiane. Chez la sous-espèce E. g. gularis, la couleur des pattes est également généralement identique à celle de l’Aigrette garzette, avec des tibias et des tarses noir-grisâtre et des doigts jaune vif. Toutefois, il arrive que le jaune s’étende plus haut sur la « cheville ».
Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre, probablement de la sous-espèce nominale E. g. gularis, près du barrage de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre) en juillet 2025. Notez (1) le bec sombre, (2) les lores sombres, (3) le plumage gris sombre et (4) les doigts et une partie des tarses jaunes contrastant avec le reste gris-noir des pattes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jean-Philippe Couasné

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre de la sous-espèce E. g. schistacea

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre de la sous-espèce E. g. schistacea en Inde en mai 2007. Notez (1) le bec épais en partie jaune, (2) les lores pâles, (3) le plumage plutôt gris clair et (4) les tarses en partie jaunâtres, ne contrastant pas avec les doigts jaunes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Kaippally / Wikimedia Commons

Distinguer les deux sous-espèces de l’Aigrette des récifs de forme sombre : le plumage

Aigrette des récifs (Egretta gularis) de forme sombre

Aigrette des récifs ou à gorge blanche (Egretta gularis) de forme sombre, probablement de la sous-espèce nominale E. g. gularis, près du barrage de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre) en juillet 2025. Notez (1) le bec sombre, (2) le plumage gris sombre et (3) les doigts et une partie des tarses jaunes contrastant avec le reste gris-noir des pattes (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jean-Philippe Couasné

L’Aigrette des récifs de la sous-espèce schistacea adulte de forme sombre est généralement uniformément gris lavande, avec une composante céruléenne ou bleu clair. Rarement, certains individus apparaissent plus foncés, surtout sous une lumière oblique, mais ils sont toujours fortement teintés de bleu outremer. Le plumage du juvénile de forme sombre est, comparé à celui de l’adulte, plus clair (parfois décoloré et panaché de blanchâtre sur les ailes, le ventre et le cou), plus terne et davantage teinté de brunâtre, comme celui du jeune individu de la sous-espèce E. g. gularis.
L’Aigrette des récifs de la sous-espèce nominale est par contre uniformément gris ardoise foncé, apparaissant noirâtre par faible luminosité, mais avec des teintes bleu métallique ou verdâtre sur la tête et sur le dessus, et brun violacé sur le dessous, visibles uniquement sous une excellente lumière directe. Le juvénile, en revanche, est gris brunâtre, avec des nuances violettes plus ou moins prononcées, généralement plus terne, plus opaque et plus clair que l’adulte. En outre, à cet âge, le plumage est moins uniforme, le ventre et l’avant du cou étant souvent décolorés et teintés de blanchâtre.
La tache blanche sur la gorge de la forme sombre de l’Aigrette des récifs de la sous-espèce schistacea est en moyenne plus grande que celle de l’Aigrette des récifs de la sous-espèce nominale, notamment le long de la partie antérieure du cou, et elle peut présenter des bords flous et irréguliers chez le juvénile. Chez la sous-espèce nominale, la tache blanche, qui s’étend sur le menton, la gorge et le dessus du cou, a des contours généralement nets et bien définis chez l’adulte, tandis qu’ils peuvent paraître plus flous et irréguliers chez le juvénile ou l’immature en mue.

L’Aigrette des récifs de la Nièvre appartiendrait donc plutôt à la sous-espèce nominale 

Du fait de la plus grande proximité géographique de l’aire de répartition de la sous-espèce nominale de l’Aigrette des récifs, qui atteint la Mauritanie au nord, il est plus probable que l’oiseau découvert dans la Nièvre en juillet 2025 appartienne à cette dernière. Cette sous-espèce est en effet capable de grands déplacements : le nombre de données est ainsi en augmentation dans les Antilles, où elle a été signalée à Sainte-Lucie, à la Barbade, à Trinité-et-Tobago, à Saint-Vincent-et-les Grenadines, mais aussi en Amérique du Sud, où un processus de colonisation serait en cours au Brésil. 
En nous appuyant sur les critères d’identification énumérés dans le paragraphe précédent, plusieurs éléments plaident en faveur de cette sous-espèce pour l’individu qui séjourne actuellement dans la Nièvre :

  • sa taille est légèrement inférieure à celle des Aigrettes garzettes qui pêchent souvent à proximité, permettant une comparaison aisée.
  • Son bec et ses lores sont entièrement gris sombre. 
  • Ses doigts jaunes contrastent nettement avec ses tarses noirs.
  • Son plumage est gris ardoisé sombre et non pas gris clair.
  • La tache blanche de sa gorge est bien définie.

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