Le Kétoupa ou Grand-duc brun (Ketupa zeylonensis), que certains auteurs placent dans le genre Bubo comme le Grand-duc d’Europe (B. bubo), est un grand hibou (longueur de 50 à 58 cm et envergure de 125 à 140 cm) au dessus brun strié de sombres , au dessous crème beigeâtre finement rayé de noir et à la gorge blanchâtre. Ses ailes sont larges, avec des barres sombres, sa tête est grosse et possède deux longues aigrettes horizontales, son bec est puissant et saillant et ses yeux sont jaunes et ses pattes sont nues et grisâtres, deux critères qui le distinguent du Grand-duc d’Europe.  

Son cri est un « tu-hoo-hoo! » grave et étouffé, ou un « huphuphuphuphuphup! » doux. Il vit le long des cours d’eau et des plan d’eau, et comme son nom l’indique, son régime alimentaire est essentiellement composé de poissons, d’amphibiens et de crustacés d’eau douce. Il utilise pour pêcher deux techniques très différentes selon le milieu où il se trouve. Il descend dans les eaux superficielles et avance en guettant. Si une proie passe à proximité, il la saisit avec ses serres. Si la rivière est profonde, il reste à l’affût sur une branche du rivage et s’élance toutes serres dehors sur les poissons qui nagent en surface. L’aire est construite sur un arbre, une corniche rocheuse ou une berge abrupte.  D’anciens nids de rapaces sont également parfois utilisés.

Aire de répartition de la sous-espèce semenowi du Kétoupa ou Grand-duc brun

Aire de répartition de la sous-espèce semenowi du Kétoupa ou Grand-duc brun (Ketupa zeylonensis). L’Iran représenterait une grande partie de son aires de répartition 
Carte : Ornithomedia.com d’après Mohammad Tohidifar et al

Son aire de répartition s’étend de la Turquie au nord de la Chine, en passant par la péninsule malaise. Trois ou quatre sous-espèces sont reconnues, dont K. z. semenowi, qu’Arnoud B. van den Berg et al (2010) avaient proposé de considérer comme une espèce distincte sur la base de critères de plumage, vocaux et génétiques. Ce sous-espèce se reproduit de façon fragmentée du sud de la Turquie au Pakistan en passant par l’Iran, qui accueillerait la majorité des couples. Dans ce dernier pays, il niche probablement le long des rives rocheuses de nombreux lacs de barrage du Sud-ouest, du Sud et Sud-est. Contrairement à la Turquie, il ne dépendrait pas de l’existence de boisements. Plusieurs données proviennent du Khouzistan, suggérant également une présence en Irak.

Dans le Paléarctique occidental (lire Qu’est-ce que le Paléarctique occidental ?), la sous-espèce sédentaire K. z. semenowi a disparu d’Israël, de Syrie et de Jordanie et semble désormais confinée le long des cours d’eau et des rives des lacs de barrage de certaines vallées boisées au pied des monts Taurus, dans le sud de la Turquie. On croyait qu’elle était quasiment éteinte dans ce pays, avec une seule donnée confirmée au cours du XXe siècle : un oiseau capturé avait été capturé accidentellement en avril 1990 par un pêcheur dans la vallée de la rivière Ceyhan, près du barrage de Berke, au nord-est d’Osmanye. En octobre 2004, deux individus avaient été photographiés de jour dans un canyon rocheux et escarpé à l’ouest des montagnes d’Antalya.

En juin 2009, un individu a été observé dans les monts Taurus au nord d’Antalya, et les visites effectuées au cours des mois suivants ont permis d’établir le premier cas de reproduction avéré et d’effectuer les premiers enregistrements sonores pour le Paléarctique occidental, ainsi que d’approfondir les connaissances sur la biologie de l’espèce. Grâce aux connaissances acquises sur son habitat (falaises abruptes parsemées de conifères anciens dominant des eaux poissonneuses), trois nouvelles localisations situées plus à l’est ont été trouvées du 11 mars au 10 avril 2010. Depuis 2010, le Kétoupa brun est observé régulièrement dans le sud de la Turquie, notamment depuis les bateaux organisant des croisières touristiques sur le réservoir d’Oymapinar (lire Observer le Kétoupa brun depuis un bateau de promenade !). La façon la plus efficace pour l’observer serait de passer par un voyagiste local, comme Vigo Tours (lire Rencontre avec le Kétoupa brun dans le sud de la Turquie en avril 2019). Frank Dhermain nous a précisé qu’il était également possible (en 2014 en tout cas) de demander à un pêcheur local de vous emmener sur le lac pour 25 € par personne. 

Kétoupa ou Grand-duc brun (Ketupa zeylonensis) de la sous-espèce semenowi

Kétoupa ou Grand-duc brun (Ketupa zeylonensis) de la sous-espèce semenowi sur les rives du réservoir d’Oymapinar, dans la région d’Antalya (Turquie), en 2014 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Frank Dhermain

La taille de population turque de Kétoupas bruns est mal connue, mais selon l’association Doğa Derneği, partenaire de Birdlife International en Turquie, qui s’est basée sur une synthèse des observations réalisées au cours des dix dernières années, elle serait actuellement comprise entre 50 et 80 couples répartis le long de quelques rivières et ruisseaux aux eaux propres et poissonneuses dans les monts Taurus, principalement dans la province de Mersin. Ce rapace chasse également dans les fermes piscicoles établies en lisière de forêt. 

Plusieurs sites de nidification ont été identifiés :

  • Barrage de Manavgat (ou d’Oymapinar).
  • Vallée de Köprüçay (deux couples au moins).
  • Montagnes de Tahtalı (un couple au moins).
  • Forêts d’Akseki et d’İbradı (au moins quatre couples).
  • Vallée de Dimçay (au moins un couple).
  • Vallée de Kadıncık.
  • Parc national de Termessos.
  • Bassin de Limonlu (au moins un couple).
  • Montagnes de Bolkar (au moins trois couples).
  • Barrage de Karacaören.

Malheureusement, le Kétoupa brun serait en déclin en Turquie, en raison notamment de la construction de centrales hydroélectriques, de l’exploitation minière et de l’abattage de vieux arbres. Des recherches sont menées pour tenter d’identifier tous les sites de nidification et de prendre des mesures de conservation, en collaboration avec plusieurs associations (Tarsus Slowfood Earth Market, Sound Approach et BirdLife International) et avec la marina et la mairie de Mersin, avec le soutien financier du Turquoise Coast Environment Fund. Afin de sensibiliser le public sur la nécessité de protéger les sites de nidification de ce rapace menacé, l’association Doğa Derneği a récemment créé et distribué une affiche auprès d’un réseau d’associations locales de conservation. Une exposition photo intitulée « Découvrez le hibou pêcheur avant son extinction » a été organisée en 2025 dans le centre commercial Marina de Marsin. 

Kétoupa ou Grand-duc brun (Ketupa zeylonensis) filmé dans le sud de la Turquie en décembre 2018.
Source : Kafkas Medya

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