Brèves
Favoriser la nidification de la Bondrée apivore dans les plantations ibériques d’eucalyptus pour lutter contre le Frelon asiatique
Bondrée apivore (Pernis apivorus) et nid de Frelons asiatiques (Vespa velutina).
Photographies : Anjumani Shaikia / Wikimedia Commons et Marc Fasol
Le Frelon asiatique ou à pattes jaunes (Vespa velutina) de la sous-espèce nigrithorax est un hyménoptère originaire d’Asie qui a été introduit involontairement en France il y a une vingtaine d’années et qui s’est répandu ensuite dans plusieurs pays du continent. Il a été classé Espèce Exotique Envahissante par l’Union Européenne en raison de la pression qu’il exerce sur les populations d’Abeilles domestiques (Apis mellifera) et sur celles de certains insectes sauvages autochtones. Il constitue toutefois la seconde proie la plus importante de la Bondrée apivore (Pernis apivorus) dans la péninsule ibérique, réduisant l’abondance des ouvrières dans un rayon d’au moins 1 000 mètres autour de chaque aire. Salvador Rebollo et al. avaient estimé que chaque couple pouvait éliminer de 15 à 61 colonies pendant la saison de nidification; par conséquent, favoriser sa présence pourrait constituer une mesure de lutte biologique efficace contre cet hyménoptère (lire Piège photographique : filmer une Bondrée apivore attaquant un nid de guêpes).
Plantation d’Eucalyptus communs (Eucalyptus globulus) dans la péninsule ibérique. |
Dans un article publié en 2025 dans la revue Pest Management Science, des biologistes ont examiné les préférences de la Bondrée apivore en matière d’habitat de reproduction et ils ont proposé des mesures pour favoriser sa présence dans les plantations d’Eucalyptus communs (Eucalyptus globulus) dans la péninsule ibérique.
La zone d’étude de 747 km² était située dans le nord-ouest de l’Espagne, un secteur riche en forêts représentant 51 % de la superficie, dont 85 % sont occupées par des plantations d’eucalyptus. Entre 2014 et 2023, les aires actives ont été recherchées et 57 ont été recensées. L’essence choisie pour construire le nid a été identifiée à chaque fois, l’habitat dans un rayon de 50 mètres a été étudié (composition de la végétation, hauteur de la canopée, topographie, etc.), ainsi que ceux de la zone de dispersion des jeunes (200 mètres autour de chaque nid) et du territoire de nidification (1 700 mètres autour chaque nid). Les distances avec les aires les plus proches d’autres bondrées et celles de l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), de l’Épervier d’Europe (A. nisus) et de la Buse variable (Buteo buteo) ont été mesurées.
Deux modèles statistiques (linéaire généralisé binomial et de classification aléatoire) ont été utilisés pour évaluer l’importance de chaque facteur dans le choix de l’habitat de nidification. La relation entre l’habitat choisi et le succès de la nidification (nombre d’œufs pondus et de jeunes à l’envol) a été étudiée.
La densité des couples dans les forêts de la zone d’étude (3,22 couples pour 100 km²) était faible rapport à celle d’autres régions européennes, comme aux Pays-Bas, où l’on a recensé jusqu’à 25 couples pour 100 km². Elle est toutefois passée de 0,55 à 1,64 couple pour 100 km² après l’arrivée du Frelon asiatique en 2014, ce qui souligne le rôle crucial de la disponibilité des ressources alimentaires chez cette espèce. Le succès annuel moyen d’envol par couple était de 1,58 jeune, un chiffre supérieur à la moyenne européenne (de 0,8 à 1 jeune par couple et par an). La prédation par l’Autour des palombes constitue une menace majeure pendant la saison de reproduction, près de 20 % des aires ayant été visitées par ce rapace (lire Pour les bondrées aussi, l’ennemi de mon ennemi est mon ami).
La composition de la végétation et la topographie restent néanmoins les facteurs les plus importants dans la sélection du territoire de nidification, en particulier dans un rayon de 200 mètres autour de l’aire : la Bondrée apivore choisit de préférence pour nicher de grands arbres (des eucalyptus dont le diamètre du tronc dépasse les 50 cm, mais aussi des pins ou des chênes dont le diamètre du tronc atteint au moins 35 cm) situés au sein de plantations mâtures à la structure variée.
Ces résultats montrent que les plantations d’eucalyptus peuvent constituer un habitat favorable à la nidification Bondrée apivore si l’on parvient à améliorer leur structure (diversités des essences et des âges des arbres). Les efforts de gestion forestière (limitation des travaux, conservation des grands arbres, etc.) pourraient se concentrer dans un rayon de 200 mètres autour de chaque nid. Les auteurs conseillent d’avoir une approche de gestion de long terme (sur au moins 35 ans) afin que certains arbres atteignent une hauteur suffisante pour accueillir des aires.
Bondrée apivore (Pernis apivorus) attaquant un nid de Frelons asiatiques (Vespa velutina) en Espagne.
Source : Ecoagro Construccion
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Dans la galerie d’Ornithomedia.com
Bondrée apivore (Pernis apivorus)
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho de Killian Mullarney
- Rapaces diurnes: Europe, Afrique du Nord, Moyen-Orient (2021) de Benny Gensbol
Source
Jorge A. Martín Ávila, Salvador Rebollo, José Manuel Fernández-Pereira, Navila Monteagudo et Luisa M. Díaz-Aranda (2025). Encouraging native predators of invasive yellow-legged hornets: breeding habitat preferences of European honey buzzards in exotic Eucalyptus plantations. Pest Management Science. Date : 05/03. scijournals.onlinelibrary.wiley.com




1 commentaire
1 commentaire(s) sur ce sujet
Participer à la discussion !Patrick
Guérande
Posté le 12 juin 2025
Super document sur cet oiseau difficile à voir au sol. Je n’en ai eu qu’une seul fois l’occasion en forêt de Rennes (Ille et Vilaine) dans laquelle je travaillais comme forestier. Je suis également photographe naturaliste et l’expérience de Marc FASOL décrite dans cet article est très instructive.
D’ailleurs, la photographie des oiseaux permet souvent de réaliser de belles observations originales .
Je viens de passer en trois jours 22h d’affût aux pics Epeiche et Pic Mar avec de très beaux comportements.