Le Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) ressemble étroitement au Pic épeiche (Dendrocopos major), mais il s’en distingue notamment par l’absence de bande noire reliant la moustache et la nuque, le bec un peu plus long, les rectrices externes principalement noires, les flancs striés, la tache rouge plus grande sur la nuque (chez le mâle), les sous-caudales d’un rouge moins vif, les lores noires (et non pas blanches) et la voix plus calme et moins forte. Chez le juvénile, une tache noire est visible derrière l’œil et la poitrine est rosée et non pas blanche.

Son cri habituel (« yipp ») est plus doux que celui du Pic épeiche et évoque l’alarme du Chevalier gambette (Tringa totanus). Quand il est excité, il peut être répété rapidement. Son tambourinage est similaire à celui du Pic épeiche, mais il est généralement plus long et décroit progssivement à la fin.

Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris du Pic syriaque réalisé en Croatie par Domagoj Tomičić le 19 décembre 2019 (source : Xeno-Canto) :

Le Pic syriaque niche dans des cavités d’arbres dans les vergers, les jardins, les parcs, les cimetières et les plantations urbaines. Il s’agit d’une espèce d’origine asiatique, la limite occidentale de son aire de répartition à la fin du 19ème siècle étant la Turquie. Après avoir traversé les détroits du Bosphore et des Dardanelles, il a été détecté pour la première fois dans le nord de la Bulgarie en 1890, puis en Serbie en 1899, dans le sud-est de la Grèce en 1910-1920, en Macédoine en 1917, en Croatie, en Hongrie et en Roumanie en 1930, en Ukraine en 1949, en Slovaquie en 1949, en Albanie en 1950, en république Tchèque en 1952, en Moldavie en 1957, dans le Monténégro en 1969, en Pologne dans les années 1970, en Autriche et en Russie dans les années 1980, en Bosnie-Herzégovine en 1996, en Lituanie en 2002 et au Bélarus (Biélorussie) en 2013.

Etapes de l'expansion du Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) en Europe

Les étapes de l’expansion du Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) en Europe depuis 1900 et situation de Francfort-sur-l’Oder (Allemagne), où un oiseau a été découvert le 30 novembre 2022.
Carte : Ornithomedia.com d’après Jerzy Michalczuk

Sa vitesse de colonisation d’un pays peut être assez rapide : une trentaine d’années pour la Slovaquie et une quarantaine pour l’Ukraine. Alors que la première donnée russe date de 1980 (à Rostov-sur-le-Don), l’espèce niche désormais dans la banlieue de Moscou !

La population européenne serait comprise actuellement entre 200 000 et 250 000 couples, dont 45 000 à 50 000 en Ukraine et en Bulgarie, entre 20 000 et 30 000 en Roumanie, en Grèce, en Serbie, au Monténégro et en Hongrie, autour de 10 000 en Macédoine et en Russie, et entre 1 000 et 4 000 en Pologne, en République Tchèque et en Croatie.

La colonisation de nouveaux territoires se fait par diffusion autour de noyaux de populations et par « sauts », certains couples isolés s’installant loin de l’aire continue de l’espèce, jouant un rôle de « pionniers ».

Des ornithologues ont étudié entre 2003 et 2006 la biologie de 30 couples dans une région nouvellement colonisée du sud-est de la Pologne, et ils ont constaté que le succès de reproduction de l’espèce était assez élevé (près de 57 %, 2,8 jeunes quittant le nid en moyenne). La densité dans ce pays varie de 5,5 (dans la région de Cracovie) à 21,8 couples (dans le sud-est) couples pour 10 km². 

Suite à cette expansion, le nombre de contacts entre cette espèce et le Pic épeiche a naturellement augmenté : or ces deux espèces sont très proches et peuvent s’hybrider, et des analyses génétiques ont par ailleurs montré que les oiseaux issus de ces croisements étaient fertiles (lire Les Pics épeiche et syriaque s’hybrideraient régulièrement dans le nord-est de l’Europe).  

Le Pic syriaque occupe désormais plus de deux millions de km² en Europe, mais sa vitesse d’expansion vers l’Ouest semblant avoir ralenti depuis quelques années, tandis qu’elle accélère vers l’Est, dans les plaines russes. Dans certains pays, comme la Roumanie et la Macédoine, un déclin est même observé (lire Un point sur l’expansion du Pic syriaque en Europe). La principale cause d’échec est la compétition avec l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), cette espèce détruisant près de 30 % des nids. L’impact des prédateurs est faible car cette espèce niche non loin de l’Homme : ce choix pourrait d’ailleurs être une stratégie délibérée et expliquer la progression rapide de l’espèce. Toutefois, la compétition avec l’Étourneau sansonnet pourrait limiter sa progression.

L’Allemagne se situe un peu à l’ouest de la limite occidentale de son aire de nidification, les sites de nidification les plus proches se situant dans le sud-ouest de la Pologne et dans l’est de l’Autriche. Outre-Rhin, l’espèce est encore très rare, avec seulement trois données confirmées. La plus récente, qui remonte à 2022, a suscité un véritable engouement au sein de la communauté ornithologique germanique. Le 30 novembre 2022, Emil Jantke, un jeune observateur de 17 ans, a entendu des cris un peu différents de ceux du Pic épeiche alors qu’il promenait son chien dans la Friedrich-Hegel-Strasse, à Francfort-sur-l’Oder, dans le Brandebourg, sur la frontière polonaise (lire Où observer les oiseaux à Berlin et dans les environs ?). Il a alors pu repérer l’oiseau, qu’il a identifié comme étant un probable Pic syriaque. Il a pu le photographier, le filmer (voir la vidéo plus bas) et l’enregistrer, et il a publié sa donnée sur Ornitho.de pour avoir d’autres avis, qui ont confirmé sa découverte. Des observateurs sont alors venus de toute l’Allemagne pour voir cet oiseau, qui est resté dans le secteur en décembre 2022.

Cette observation est intéressante car elle montre que le Pic syriaque peut désormais être recherché dans l’est de l’Allemagne, où sa présence peut facilement passer inaperçue si l’on n’est pas familier avec son cri. 

Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) à Francfort-sur-l’Oder (Allemagne) en décembre 2022. 
Source : BirderBerlin

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire