I – L’œuf contient tout ce qui est nécessaire à l’embryon

Schéma du développement embryonnaire chez les oiseaux

Le développement de l’embryon entre le cinquième et le vingtième jour et les emplacements respectifs du sac vitellin, de l’amnios et de l’allantoïdes (cliquez sur le schéma pour l’agrandir).
Schéma : Ornithomedia.com

L’œuf est notamment composé des éléments suivants (lire notre article Les oeufs) :

  • la chambre à air, un espace situé au niveau de l’extrémité large de l’œuf, entre les membranes internes et externe 
  • l’albumen ou blanc qui contient des protéines, de l’eau et des protections contre les micro-organismes nocifs 
  • le vitellus ou jaune, qui sert de source de nourriture pour le développement de l’embryon. Le jaune et le disque germinal forment une seule cellule. Le jaune est maintenu en suspension dans le blanc d’œuf par des filaments torsadées de tissus cellulaires appelés chalazes.
  • et bien sûr la coquille, qui assure la protection externe de l’œuf tout en permettant les échanges gazeux.

Même si l’œuf ne rencontre pas un spermatozoïde dans l’oviducte, il sera tout de même pondu. Mais l’embryon ne se développera pas si l’œuf n’est pas fertilisé. Le « point blanc », situé dans le jaune, prémisse de l’embryon, restera blanc. S’il y a fertilisation, il deviendra rouge et l’embryon commencera à se développer. Celui-ci bénéficie de trois organes pour l’aider à se développer :

  • le sac vitellin renferme les réserves vitellines et sa paroi est très vascularisée (il est relié à l’embryon par la tige vitelline qui véhicule des vaisseaux) ;
  • l’amnios délimite la cavité amniotique remplie du fluide amniotique dans lequel baigne l’embryon. Il isole l’embryon, le protège et sert en même temps d’amortisseur ;
  • l’allantoïde, ou plutôt de l’allantochorion, sert de réservoir des déchets éliminés par l’embryon et sa paroi vascularisée constitue le site d’échanges respiratoires (via les pores coquillières). En outre, des sels de la coquille peuvent être absorbés par l’allantochorion et transférés à l’embryon pour l’édification de son squelette.

Lors de l’éclosion, l’amnios et l’allantoïde sont éliminés avec la coquille, l’albumen a été utilisé et le vitellus restant se rétracte dans l’abdomen de l’animal.

II – De la ponte à l’éclosion

La croissance de la masse du poussin entre le premier jour d'incubation et l'éclosion

La croissance de la masse du poussin entre le premier jour d’incubation et l’éclosion (cliquez deux fois sur le schéma pour l’agrandir à son maximum).
Schéma : Ornithomedia.com

Étape par étape

Nous prendrons comme exemple la croissance de l’embryon de la Poule domestique (Gallus gallus domesticus), qui a été étudiée en détails. Au moment où l’œuf est pondu, un début de développement embryonnaire s’est déjà produit et il s’arrêtera si certaines conditions environnementales, notamment de chaleur, ne sont pas réunies : c’est le but de l’incubation. Au début, toutes les cellules sont semblables, mais au cours du développement embryonnaire apparaissent des différenciations des cellules. Certaines deviendront des organes essentiels, tandis que d’autres contribueront à la formation d’une aile ou d’une jambe :

  1. peu après le début de l’incubation, une couche épaissie de cellules devient bien visible dans la partie caudale de l’embryon. C’est le sillon primitif, l’axe longitudinal de l’embryon. A partir de celui-ci se développent la tête et l’épine dorsale. Un précurseur du système digestif se forme ensuite. Des « amas sanguins » apparaissent et créeront plus tard le système vasculaire; L’œil commence à être visible.
  2. Le deuxième jour de l’incubation, les amas sanguins commencent à se lier et à créer un système vasculaire, tandis que le cœur est formé ailleurs. Lors de la 44ème heure de l’incubation, le cœur et les systèmes vasculaires entrent en communication, et le cœur commence à battre. Deux systèmes circulatoires distincts sont établis, un système embryonnaire pour l’embryon et un système vitellin lié à l’œuf.
  3. À la fin du troisième jour d’incubation, le bec commence à se développer et les bourgeons de membres à l’origine des ailes et des pattes peuvent être distingués.
  4. La torsion et la flexion de l’embryon se poursuivent lors du quatrième jour. Le corps entier du poussin tourne de 90 degrés et se retrouve vers le bas avec son côté gauche du côté du jaune de l’œuf . La tête et la queue se rapprochent étroitement et l’embryon prend la forme d’un « C ». La bouche, la langue, et les puits nasaux se développent en tant qu’éléments des systèmes digestifs et respiratoires. Le cœur continue à grandir quoiqu’il n’ait pas encore été placé dans le corps: on peut ainsi le voir battre si l’œuf est ouvert avec précaution! Les autres organes internes continuent à croître. Vers la fin du quatrième jour de l’incubation, l’embryon a déjà tous les organes requis pour lui permettre de vivre après l’éclosion, et la plupart des organes de l’embryon peuvent être identifiés. Mais un embryon de poussin ne peut pas encore être distingué de celui d’un mammifère.
  5. L’embryon se développe rapidement. D’ici au septième jour, les doigts apparaissent sur les ailes et les pattes, le cœur est complètement enfermé dans la cavité thoracique, et l’embryon ressemble déjà à un oiseau. Après le dixième jour d’incubation, les plumes peuvent être distinguées, et le bec durcit. Le quatorzième jour, les griffes se forment et l’embryon prend sa position pour l’éclosion. Après vingt jours, le poussin est dans sa position d’éclosion, le bec a percé la chambre à air, et la respiration pulmonaire a commencé.
  6. Après 21 jours d’incubation, le poussin commence finalement à sortir de la coquille. Le poussin commence par pousser son bec au travers de la chambre à air. L’allantoïde, qui lui a servi de poumons, commence à sécher étant donné que poussin utilise ses propres poumons. Il continue à pousser sa tête vers l’extérieur. La structure pointue et dure à l’extrémité du bec (le diamant) et le muscle du dos du cou l’aident à briser la coquille. Le poussin alterne repos, efforts et changements de position jusqu’à ce que sa tête sorte de la coquille brisée. Il donne alors un coup de patte sur le fond de celle-ci pour s’expulser. Le poussin est épuisé et se repose tandis que la fente ombilicale se cicatrise et que son arrière-train sèche. Petit à petit, il regagne des forces puis marche. L’incubation et l’éclosion sont achevées. Le diamant tombera du bec les jours suivants.

En résumé : de l’heure 0 à l’éclosion chez le poussin

Moment Événement
0 Fertilisation de l’œuf
16 heures Première distinction de la forme de l’embryon
18 heures Apparition du tract digestif
20 / 21 heures Le système nerveux se développe. Apparition de la colonne vertébrale
22 heures Apparition de la tête
24 heures L’œuf est pondu. Apparition des yeux
25 heures Apparition du cœur
33 heures Le cerveau commence à se former
35 heures Apparition du conduit auditif
42 heures Le cœur commence à battre
48 heures Des vaisseaux se forment dans le jaune d’œuf pour que l’embryon puisse se nourrir. Un autre système sanguin croît depuis l’embryon pour couvrir l’intérieur de la coquille, afin que l’embryon puisse respirer
5 jours Les ailes et les pattes commencent à se développer. Formation des organes reproductifs et différenciation sexuelle
6 jours Apparition du bec
7 jours L’embryon est complet mais ne mesure que 2 cm. les plumes vont apparaître et une croissance importante va s’engager
20 jours Le poussin pénètre dans la chambre à air. Il commence à respirer avec ses poumons pour la première fois. Il appelle sa mère depuis l’intérieur de l’œuf
21 jours Éclosion. Le poussin utilise le diamant de son bec pour faire un trou dans la coquille.

III – En savoir plus sur la couvaison et l’éclosion

L’importance de la température de l’œuf

Nid souterrain de mégapodes

Nid souterrain de mégapodes : la chaleur de couvaison est assurée par la décomposition de la végétation
Source : Worldtrip.de

Le germe commence à se développer avant la ponte, mais, dès que l’œuf est pondu, cette croissance s’arrête si celui-ci n’est pas maintenu à une température assez élevée. Pour qu’un œuf se développe normalement, il doit être exposé pendant une longue durée à une température légèrement inférieure à 40 degrés, la température du corps des oiseaux. La température idéale d’incubation pour les œufs de beaucoup d’oiseaux est proche de celle du corps humain, soit environ 37° C. Les oiseaux entretiennent cette chaleur en couvant l’œuf. Cette activité commence généralement après la ponte du dernier œuf.
Durant l’incubation, les œufs doivent être tournés une fois ou deux fois par jour de sorte que la chaleur soit également répartie et pour que les membranes de l’embryon n’adhèrent pas à la coquille. Quelques oiseaux comme la poule le font avec le bec, et d’autres avec leurs pattes. Les embryons sont généralement capables de résister à des légers refroidissements, et quand le couveur s’absente pour manger, ils n’en souffrent pas outre mesure. Mais ils sont très sensibles aux températures extrêmes, de sorte que dans certains certaines situations les œufs doivent être protégés contre le soleil. Si le temps est chaud, les canards par exemple déposent des plumes duveteuses sur leurs œufs quand ils quittent leurs nids souvent exposés. Certains limicoles, comme les gravelots, humidifient leur bas ventre pour refroidir leurs œufs. Les embryons sont moins sensibles au froid qu’à la chaleur, en particulier avant que l’incubation n’ait commencé. Les œufs se refroidissent quand l’incubation est interrompue, mais ce n’est pas habituellement létal, et peu d’oiseaux incubent sans interruption.
Les périodes de couvaison sont réglées en fonction des changements de température : ainsi, on a noté que la femelle de Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) couvait en moyenne pendant 14 minutes avant une interruption quand température était de 15 degrés, mais seulement 7 minutes 30 quand il faisait 30 degrés.

Les méthodes de couvaison

Nous avons vu que l’œuf doit être maintenu à une température assez proche de celle du corps de l’oiseau adulte, mais comme les plumes sont douées de remarquables propriétés isolantes, des plaques incubatrices se développent sur la face ventrale du corps de la plupart des oiseaux couveurs. Ce sont des zones de peau dénudée qui se gonflent à la suite d’un afflux de sang. Les canards, les cormorans et les fous n’ont pas de plaques incubatrices. Dans les deux premiers groupes, les femelles arrachent le duvet de leur poitrine pour embourrer le nid où les œufs seront bien au chaud. Le Fou de Bassan (Morus bassanus) couve avec ses pattes palmées.
Les mégapodes en Océanie ont « inventé » une forme unique d’incubation : leurs œufs sont maintenus au chaud en les déposant dans un grand monticule de végétaux en décomposition que les deux oiseaux du couple ont édifié et qui remplace la chaleur parentale. En augmentant ou en diminuant l’épaisseur du monticule, ils règlent soigneusement la température du nid.

Répartition de la couvaison selon le sexe

La répartition des rôles Généralement, les deux sexes se partagent les soins de l’incubation, mais c’est la femelle qui se charge de la majeure partie de cette charge. Chez le Pluvier guignard (Eudromias morinellus), le mâle s’occupe à lui seul de l’incubation. Chez les grèbes, mâle et femelle se répartissent également le travail, et chacun dispose donc de temps libre pour chercher de la nourriture. Quand la femelle est seule à couver, le mâle lui apporte de la nourriture et la défend : c’est le cas des rapaces. Parfois, le mâle ne s’occupe ni de l’incubation ne de l’alimentation de son conjoint, et cela se produit surtout chez les espèces monogames comme le Combattant varié (Calidris pugnax). Chez ces derniers, il existe une différence de coloration entre le mâle et le femelle : cette dernière a une livrée modeste qui la rend moins visible, mais la nécessité d’un camouflage est moins grande chez le mâle. Quand l’incubation est assurée par un seul des deux conjoints, l’oiseau passe de 60 à 80 % de la journée sur les œufs, mais chez le Corneille noire (Corvus corone) ce pourcentage atteint 95%.

Une durée d’incubation variable

Martin triste (Acridotheres tristis)

Martin triste (Acridotheres tristis).
Photographie : Suppalak Klabdee / Kttr.in.th

La durée de l’incubation varient en fonction de celle de l’élevage proprement dit, car toutes deux correspondent à la vitesse de croissance de l’oiseau. Elle varie de 10 jours chez les vachers (Molothrus sp.) à 80 jours chez l’Albatros royal et de 70 à 80 jours chez l’Émeu d’Australie (Dromaius novaehollandiae). Les bruants ont besoin de 11 à 13 jours; les grives, de 13 à 14 jours; les poulets domestiques, 21 jours; les canards, selon la taille, de 21 à 30 jours; les oies, de 30 à 35 jours; et de 50 à 60 jours pour l’autruche. La durée semble dépendre de la taille de l’œuf, des parents, du type de jeunes (nidifuges ou nidicoles) et, peut-être de la température du corps du parent. Parmi les autres facteurs qui agissent aussi sur la durée de l’incubation, il faut noter la situation du nid.
Chez de nombreux oiseaux qui nichent dans des cavités, l’incubation dure plus longtemps que ceux dont le nid se trouve à l’extérieur, car ils jouissent d’une plus grande sécurité. En France, le Fulmar boréal (Fulmarus glacialis) et le Vautour fauve (Gyps fulvus) sont les espèces qui ont l’incubation la plus longue : de 52 à 53 jours. A l’opposé, de petits passereaux comme les fauvettes couvent de 11 à 14 jours seulement. La plupart des oiseaux qui nichent au sol ont des œufs relativement grands et une longue période d’incubation. Leurs jeunes, une fois éclos, doivent rapidement pouvoir suivre leurs parents et s’alimenter. La plupart des espèces qui nichent dans les arbres ou des trous ont de petits œufs, une courte période d’incubation, et les jeunes sont aveugles, nus ou presque, et délaissés une fois éclos.

Des facteurs génétiques en cause ?

La durée de l’incubation serait génétiquement commandée et adaptée à l’habitat de l’espèce. Elle peut avoir un effet profond sur la capacité des espèces à coloniser de nouveaux secteurs. Ainsi, deux espèces proches, l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) et le Martin triste (Acridotheres tristis) ont été toutes deux introduites en l’Amérique du Nord dans la fin des années 1800. Ces deux espèces avaient des méthodes de reproductions très semblables, mais l’Étourneau sansonnet s’est répandu sur pratiquement le continent entier, tandis que le Martin triste est resté confiné à la région de Vancouver au Canada. On suppose que le martin a conservé génétiquement une méthode d’incubation adaptée à son aire d’origine asiatique au climat subtropicale : il ne couve ses œufs que durant environ la moitié de la journée, alors que l’étourneau couvre presque durant les trois quarts du jour. Bien que tous les deux pondent en général 5 œufs, l’étourneau parvient à élever avec succès une moyenne de 3,5 jeunes par couvée, alors que le martin n’élève que deux petits. Ce taux reproducteur relativement bas peut expliquer le succès limité de l’installation de l’espèce à Vancouver, tandis que la progression de l’étourneau a été fulgurante sur tout le continent.

Diamant (extrémité blanche) d'un poussin de perroquet

Diamant (extrémité blanche) du bec d’un poussin de perroquet.
Source : Feathersongaviary.com

L’éclosion

L’oisillon dispose de deux structures qui l’aident à sortir de l’œuf et qui ont une existence éphémère, car elles disparaissent vite après l’éclosion; il s’agit du diamant, situé à l’extrémité de la mandibule supérieure, et d’un muscle puissant qui se trouve au niveau de la nuque. La plupart des passereaux ne mettent que quelques heures pour briser la coquille, mais il faut davantage de temps pour les grands oiseaux. Le poussin commence à crier avant même d’être complètement sorti de la coquille, et ces appels établissent un premier contact avec ses parents. En général, ceux-ci ne l’aident pas à se dégager, mais parmi les exceptions, on note le Râle d’eau (Rallus aquaticus). Toutefois dans la plupart des cas, les adultes enlèvent des morceaux de coquille une fois l’éclosion terminée. Cette précaution revêt une grande importance pour les oiseaux qui nichent au sol, car l’intérieur très clair de la coquille pourrait attirer l’attention des prédateurs.
La majorité des petits oiseaux pondent un œuf par jour, et les oisillons naissent à peu près simultanément puisque l’incubation débute seulement quand les œufs sont tous déposés. De cette façon, les parents peuvent se consacrer totalement à leur élevage au moment où la nourriture est la plus abondante. Chez les espèces dont les petits sont nidifuges, la simultanéité des éclosions est également favorable car elle limite la période pendant laquelle les jeunes oiseaux sont le plus vulnérables. En revanche, les éclosions sont échelonnées chez les rapaces diurnes et nocturnes, les hérons, les martinets, les corbeaux, les grèbes et les plongeons. Les poussins éclosent à un jour ou deux d’intervalle, et il y donc entre eux des différences d’âge bien nettes. Ainsi, en cas de disette, les plus âgés et les plus forts pourront quand même survivre, et les derniers seront sacrifiés. Les jeunes rapaces peuvent même dévorer leurs frères et sœurs plus faibles.

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