Le Gypaète barbu (Gyapetus barbatus) est un très grand rapace (envergure de 266 à 282 cm) aux ailes longues, étroites et pointues et à la longue queue cunéiforme (en forme de losange). L’adulte a le dessus noir, le dessous plus ou moins roussâtre (lire La coloration orangée du Gypaète barbu n’aurait pas de fonction antibactérienne), la tête plus claire avec un masque facial composé de plumes noires entourant les yeux et descendant sous le bec pour former une « barbe » composée de plumes particulières sensorielles (vibrisses) tombant de chaque côté du bec. L’immature est brun foncé et noirâtre avec des taches plus claires. Le plumage adulte est acquis entre la cinquième et la septième année.

C’est une espèce rare (moins de 7 000 individus dans le monde) vivant dans les zones au relief accidenté et présentant des milieux ouverts riche en ongulés sauvages ou domestiques, son régime alimentaire étant composé presque exclusivement de la moelle d’ossements et de ligaments qu’il prélève sur les carcasses.  

Aire de répartition (en violet) européenne du Gypaète barbu

Aire de répartition (en violet) européenne du Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et situations du Granville (Manche) et de la réserve naturelle d’Oostvaardersplassen (Pays-Bas), où deux immatures ont été observés en mai 2023.
Carte : Ornithomedia.com

Son aire de répartition est morcelée : il se reproduit de la péninsule ibérique et de l’Afrique du Nord à la Mongolie et à la Chine en passant par le Moyen-Orient et l’Afrique de l’est et australe. En Europe, il a disparu de dans la plupart des massifs montagneux du pourtour du bassin méditerranéen au cours du XIXe et du XXe siècles, mais grâce aux mesures de conservation et de réintroduction prises depuis les années 1980, sa population s’est stabilisée ou a même augmenté dans plusieurs pays (France, Espagne, Grèce, Italie et Suisse). Il y aurait actuellement environ 465 couples de l’Espagne à la Turquie.

Il niche en couple et plus rarement en trio généralement fidèles à un territoire dont la superficie est variable (dans les Pyrénées, elle a été estimée à 320 km² en moyenne en 1998). Les immatures sont par contre erratiques pendant plusieurs années avant de se fixer sur un territoire à un âge variable (à partir de cinq ou six ans dans les Pyrénées). La pose de petits émetteurs satellites par la Fondation Pro Gypaète a montré que les jeunes pouvaient parcourir jusqu’à 700 km par jour, ce qui peut les conduire à atteindre des régions très éloignées de leur zone de naissance (lire Comment expliquer les mouvements printaniers de vautours dans le nord de l’Europe ?).

Un mâle (appelé « Angèle ») né le 21 février 2020 dans le zoo de Liberec (Tchéquie) avait été libéré dans le sud de la Drôme (France) le 28 mai 2020 par l’association Vautours en Baronnies après avoir été équipé d’une balise GPS, ce qui a permis de suivre son périple : le 14 mai, il a volé vers le Massif central, il a survolé Paris le 22 puis la frontière belge deux jours plus tard. Le 25 mai, il fait une halte au niveau du lac de l’Yssel (Pays-Bas) et a été tué le lendemain par les pales d’une éolienne près du village de Wieringerwerf, dans la province de la Hollande-Septentrionale. 

Une femelle (appelée « Mojo ») née dans le parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes) (lire Trois bons secteurs pour observer les oiseaux dans le massif du Mercantour) en février 2022 et équipée d’une balise GPS a été retrouvée morte en mai 2023 près d’une voie ferrée dans la réserve naturelle d’Oostvaardersplassen, à l’est d’Amsterdam (Pays-Bas), après avoir été heurté par un train. Entre novembre 2022 et février 2023, elle avait parcouru les Alpes, atteignant le centre de la Suisse. En avril 2023, après un détour par le centre de la France près de Bourges (Cher) et de Dijon (Côte-d’Or), elle s’est envolée vers le Nord, atteignant les Pays-Bas au mois de mai. Lors de son bref séjour dans ce pays, « Mojo » a suscité un intérêt considérable parmi les observateurs néerlandais. Entre le 27 et le 29 avril 2023, elle a été repérée autour de la Veluwe (province de Gueldre), où une autre femelle nommée « Eglazine », née en captivité et relâchée dans les Grands Causses (France), avait passé deux étés consécutifs en 2021 et en 2022, migrant vers le Sud pour passer l’hiver (voir une vidéo à la fin de cet article). 

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus)

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) immature près de Granville (Manche) le 2 juin 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Michel Leroux

Après la mort prématurée de « Mojo », sa carcasse a été récupérée puis apportée à l’Université de Wageningen pour une autopsie. Les biologistes ont constaté qu’elle ne présentait aucun signe visible de malnutrition (elle pesait 5,5 kg). L’analyse a révélé qu’elle avait récemment mangé deux morceaux de pattes de Cerf élaphe (Cervus elaphus) de 18 et 43 cm de long. La découverte de six plumes endommagées pourraient suggérer qu’elle avait peut-être subi des tirs. 

Le  17 mai 2020, un oiseau de deuxième année avait été vu durant toute la journée au-dessus de la baie d’Ecalgrain, près de La Hague (Manche), volant avec les parapentistes. Il avait été observé la veille au niveau du Nez de Jobourg. Il s’agissait peut-être de l’individu noté le 12 mai au-dessus de la forêt de Nieppe (Nord). Il a été revu le 20 mai au-dessus des falaises de la côte sud de l’île anglo-normande d’Aurigny et volait vers la Grande-Bretagne. Il a ensuite séjourné dans ce dernier pays durant plusieurs semaines, faisant l’objet d’articles dans de nombreux médias, dont la BBC. L’analyse de deux plumes trouvées dans le Peak District a montré qu’il s’agissait de « Vigo », un oiseau né en Haute-Savoie (France). C’était la seconde britannique donnée de cette espèce, après un oiseau vu en 2016 près de Dartmoor, dans le Monmouthshire.

Toujours dans le département de la Manche, Michel Leroux a photographié le 2 juin 2023 un individu de seconde année) près de Granville, dans la baie du Mont-Saint-Michel (lire Où observer les oiseaux dans la baie du Mont-Saint-Michel ?). Une Buse variable (Buteo buteo) l’a houspillé un moment, permettant de voir la différence de taille impressionnante entre les deux rapaces.  

L’ornithologue Guilhem Lesaffre nous a signalé l’observation le 30 mai d’un Vautour percnoptère (Neophron percnopterus) immature au-dessus de Dinan (Côtes-d’Armor) (donnée publiée sur Faune-Bretagne).

Suite à la croissance des populations de vautours en Europe centrale et du Sud, la fin du printemps et le début de l’été constituent désormais des périodes favorables pour observer ces grands rapaces dans des endroits inattendus dans le nord–ouest du continent. 

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) immature dans le parc national De Hoge Veluwe (Pays-Bas) le 31 mai 2022. 
Source : Redjered

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire