Pratique | Identification
Comment distinguer les Puffins cendré (ou boréal) et de Scopoli ?
Introduction
À la fin de l’été et en automne, de nombreux ornithologues rejoignent les promontoires (caps et digues) ou participent à des croisières pour observer le passage postnuptial des oiseaux marins (cormorans, océanites, puffins, pétrels, labbes, fous, sternes, mouettes, etc.). Plusieurs représentants de la famille des Procellariidés sont visibles à cette période de l’année dans les eaux françaises, comme les Puffins cendré ou boréal (Calonectris borealis) et de Scopoli (C. diomedea), qui sont depuis peu considérés comme deux espèces distinctes.
Le Puffin de Scopoli niche sur plusieurs îles de Méditerranée (y compris en France), tandis que le Puffin cendré se reproduit dans différents archipels de l’Atlantique Nord, comme les Açores ou Madère : en été et en automne, ils sont sont visibles dans le golfe de Gascogne, et des oiseaux atteignent même l’ouest de la Manche. Ils sont assez difficiles à différencier l’un de l’autre, mais nous vous présentons des critères pouvant être utiles quand les conditions d’observation sont favorables (oiseaux typiques, bonne luminosité et distance correcte).
Nous remercions les photographes qui nous ont aidés à illustrer cet article, et dont les noms sont indiqués sous les photos.
Abstract
At the end of the summer and in autumn, some birders join the headlands (capes and dikes) or participate in cruises to watch the postbreeding migration of seabirds (cormorants, petrels, shearwaters, petrels, skuas, terns, gulls …). Several Procellariidae are visible at this time of the year in the French waters, such as Cory’s Shearwaters (Calonectris borealis) and Scopoli’s Shearwaters (C. diomedea), two species that have been recently splitted.
Scopoli’s Shearwaters breed on several islands in the Mediterranean Sea, and Cory’s Shearwaters breed in different archipelagos of North Atlantic (such as the Azores or the Canarias islands). In summer and in autumn, both puffins can be found in the Gulf of Biscaye, a small part them of reaching the western Channel (and even the North Sea). They are quite difficult to differentiate one from the other, but we present in this article the criteria which may be useful in good conditions (typical birds, good luminosity and correct distance).
We thank the photographs who helped us to illustrate this article.
Présentation des Puffins cendré (ou boréal) et de Scopoli
Principales zones de nidification des Puffins de Scopoli (Calonectris diomedea) (points rouges) et cendré ou boréal (C. diomedea) (points orange) et mouvements en été et en automne d’une partie de ces oiseaux dans le golfe de Gascogne (flèches rouge et orange). En bleu, la zone de dispersion postnuptiale des deux espèces. |
Longueur : 50 – 56 cm.
Envergure : 118 – 126 cm.
Description : ce sont deux puffins d’assez grande taille, pratiquement aussi grands que le Goéland brun (Larus fuscus). Le dessus est brun-gris (y compris la calotte et les côtés du cou et de la poitrine), le dessous est blanchâtre et le bec est jaunâtre avec une tache sombre à la pointe. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel. Le juvénile se différencie de l’adulte à partir de la fin octobre par son plumage plus contrasté et complet (l’adulte mue alors ses rémiges).
Contrairement au Puffin majeur (Ardenna gravis), qui leur ressemble superficiellement, ils n’ont ni calotte sombre ni tache foncée sur les côtés du cou et le ventre.
Leur vol est souple (celui du Puffin majeur est plus raide), composé de longs planés près de la surface l’eau suivis de trois à sept battements élastiques. Il tiennent souvent leurs ailes arquées « en cloche », la « main » (= l’extrémité de l’aile au-delà du poignet) légèrement orientée vers l’arrière (les ailes du Puffin majeur sont tenues plus droites).
Taxonomie : les trois « anciennes » sous-espèces du Puffin cendré ont été élevées au rang d’espèces distinctes :
- le Puffin de Scopoli (Calonectris diomedea) qui a été reconnu comme une espèce à part entière par le British Ornithologist’s Union en 2012 et par le Comité Ornithologique International en 2013. Il niche en Méditerranée, des îles Chaffarines (au large du Maroc) à la Grèce (quelques couples ont aussi niché dans le bassin d’Arcachon dans les années 1980, 1990 et 2000). À la fin de l’automne (entre mi-octobre et mi-novembre), la plupart de ces oiseaux rejoignent l’Atlantique Sud en passant par le détroit de Gibraltar. Certains oiseaux atteignent le sud-est de la Grande-Bretagne, l’est de l’Amérique du Nord, et même l’Afrique australe et l’océan Indien. Des individus erratiques ont été signalés jusqu’en Nouvelle-Zélande. Il retourne sur ses sites de nidification dès février.
- Le Puffin cendré ou boréal (C. borealis) qui niche sur les îles Berlengas (lire Observer les océanites le long des côtes continentales du Portugal), Madère (lire Observer les oiseaux sur l’île de Madère), Desertas, Salvages, Açores (lire Observer les oiseaux aux Açores (première partie) : les îles orientales) et Canaries. Une petite population a en outre été découverte en Méditerranée, sur les îles Columbretes, en Catalogne espagnole. Il hiverne dans l’Atlantique Sud et jusqu’à l’océan Indien.
- Le Puffin du Cap-Vert (C. edwardsii) est endémique de l’archipel du même nom (lire Observer les oiseaux des îles du Cap-Vert). Ses déplacements sont mal connus mais il pourrait passer l’hiver dans les eaux de l’archipel et au large de l’Afrique de l’Ouest. Il est plus petit et plus sombre que le Puffin cendré, son bec est plus fin et plus sombre. Son vol est composé de battements d’ailes plus rigides et plus rapides et il rappelle un peu celui des Puffins des Anglais (Puffinus puffinus) et yelkouan (P. yelkouan). Cette espèce est a priori non visible dans les eaux françaises et n’est donc pas traitée dans cet article.
Biologie : les Puffins cendré et de Scopoli nichent de nuit en colonies bruyantes sur le sol ou parmi les rochers, plus rarement dans un terrier, sur des falaises ou des îlots. Ils se nourrissent de poissons et de mollusques, qu’ils peuvent attraper en surface ou bien en plongeant. Ils suivent souvent les bateaux de pêche.
Quelques bons endroits pour observer les Puffins cendré et de Scopoli
Puffin de Scopoli (Calonectris diomedea) dans le parc national de la Cabrera, sur l’île de Majorque (Espagne). |
Le Puffin de Scopoli niche dans le sud de la France, sur les archipels de Riou et du Frioul près de Marseille (Bouches-du-Rhône), les îles d’Hyères (Var) et en Corse. C’est un oiseau nocturne durant la période de reproduction, mais il peut tout de même être observé en mars-avril non loin des côtes, à proximité de leurs sites de nidification. Les falaises de Bonifacio, dans le sud de la Corse, constituent par exemple un site connu, l’espèce nichant sur l’îlot du Grain-de-Sable voisin. Il hiverne essentiellement dans l’Atlantique Sud (certains restent en Méditerranée), mais des oiseaux (probablement non nicheurs) se rassemblent en été (dès juillet) dans le sud du golfe de Gascogne (jusqu’au niveau des côtes de la Vendée environ).
Le Puffin cendré ou boréal hiverne aussi essentiellement dans l’Atlantique Sud, mais entre juillet et septembre, des groupes s’aventurent jusqu’en mer du Nord et peuvent donc être notés dans l’ouest de la Manche (Finistère en France et Cornouailles en Grande-Bretagne).
Voici ci-dessous quelques idées pour avoir de bonnes chances d’observer ces deux espèces en été (particulièrement en août) :
- une traversée en ferry entre Bilbao (Espagne), Roscoff (France) et Portsmouth (Grande-Bretagne) dans le golfe de Gascogne (lire Observer et identifier les oiseaux en haute mer).
- Une sortie pélagique à bord d’un bateau au large des îles Scilly (Grande-Bretagne) (lire Les croisières pélagiques au large des îles Scilly en août 2019).
- Une séance de gué à la mer (« seawatching ») depuis certains sites côtiers comme la Punta Estaca de Barres en Galice (Espagne) (lire La Punta de Estaca de Bares, l’un des meilleurs spots de seawatch d’Europe), la digue de Tarnos dans les Landes, les plages à l’ouest des Sables-d’Olonne en Vendée (lire Observer les oiseaux autour des Sables-d’Olonne) ou la pointe de Penmarc’h et le phare de Brignogan dans le Finistère.
Comment distinguer les Puffins cendré (ou boréal) et de Scopoli ?
Ces deux espèces sont difficiles à distinguer l’une de l’autre car il existe des variations individuelles et parce que les conditions d’observation et de lumière ne sont pas toujours optimales. Certains oiseaux ne pourront donc pas être identifiés avec certitude. Toutefois, plusieurs critères peuvent être utiles.
- L’étendue du blanc sur la « main » sous l’aile constitue l’élément principal pour distinguer ces deux espèces : chez le Puffin de Scopoli, la zone blanche est plus importante que chez le Puffin cendré car le vexille interne (= le côté interne de la plume) de la plupart des rémiges primaires, y compris sur la dixième (sur au moins 20 % de sa longueur), est blanc, formant des « langues » (= extensions) blanches pénétrant dans la partie sombre de l’extrémité de l’aile (la limite entre le noir et le blanc n’est donc pas nette). Chez le Puffin cendré par contre, le noir est plus étendu sous l’aile car la zone sombre n’est pas « entaillée » par des langues blanches, en tout cas au niveau des huitième, neuvième et dixième rémiges primaires externes (la limite entre le blanc et le noir est donc plus nette). Attention toutefois, il y a des oiseaux intermédiaires, certains Puffins cendrés ont aussi des « langues » blanches sur les rémiges primaires, mais seul le Puffin de Scopoli aurait du blanc sur la dixième rémige primaire. En outre, la lumière peut être trompeuse et éclairer la partie sombre des rémiges.
- Chez le Puffin de Scopoli, on ne note sous l’aile généralement qu’une tache sombre sur la dixième grande couverture primaire, contre souvent deux chez le Puffin cendré (sur les neuvième et dixième grandes couvertures primaires). Ce critère n’est toutefois pas facile à voir sur le terrain et il n’est pas valable chez tous les individus, mais quand il est présent, il permet de confirmer l’identification.
- Chez le Puffin de Scopoli, on note généralement (mais pas toujours) un dessin en forme de « V » sombre sur le dos, alors que le dessus est plus uniforme chez le Puffin cendré.
- Le Puffin cendré est généralement un peu plus grand, sa silhouette est plus lourde (tête proportionnellement plus grosse et cou plus épais), ses ailes sont plus larges et son bec est plus massif et plus coloré (jaune plus vif), alors que le Puffin de Scopoli est un peu plus petit et plus fin (tête plus petite et cou plus étroit) et ses ailes sont plus étroites. Il est toutefois assez difficile d’évaluer correctement ces différences sur le terrain, d’autant plus qu’il existe des variations individuelles et entre les sexes : elles ne pourront être utilisables que pour les individus les plus grands ou les plus petits.
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Compléments
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Ouvrages recommandés
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- Albatrosses, Petrels and Shearwaters of the World de Derek Onley (Auteur) et Paul Scofield (Auteur)
Sources
- Robert L. Flood et Ricard Gutierrez (2021). Field separation of Cory’s Calonectris borealis and Scopoli’s C. diomedea Shearwaters Marine Ornithology. Volume : 49. Pages : 311–320. www.marineornithology.org
- Gómez-Díaz, González-Solís J, Peinado MA, Page RD. (2006). Phylogeography of the Calonectris shearwaters using molecular and morphometric data. Molecular Phylogenetics and Evolution. Volume : 41. Numéro : 2. Pages : 322-32. www.ncbi.nlm.nih.gov
- New England Seabirds. Cory’s Shearwater Complex. www.neseabirds.com/shearcory.htm
- Martin Garner (2012). Scopoli’s Shearwater Identification. Birding Frontiers. birdingfrontiers.com
- Migraction. Puffin cendré (Calonectris diomedea). www.migraction.net
- Conservation Nature. Puffin cendré (Calonectris diomedea). www.conservation-nature.fr
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