Pratique | Identification
Comment distinguer le Gravelot semipalmé et le Grand Gravelot ?
Introduction
Le Gravelot semipalmé (Charadrius semipalmatus) est un limicole répandu en Amérique du Nord, nichant de l’Alaska au nord-est du Canada. S’il s’agit de l’échassier occasionnel américain le plus « souvent » observé dans l’archipel portugais des Açores, dans l’océan Atlantique Nord, c’est l’un des plus rares en Europe de l’Ouest, un statut peut-être en partie explicable par sa forte ressemblance avec le Grand Gravelot (C. hiaticula). Les deux espèces sont si proches l’une de l’autre qu’elles étaient autrefois considérées comme conspécifiques, le Gravelot semipalmé étant autrefois traité comme une sous-espèce de la seconde.
Le 26 septembre 2023, Thomas Dagonet a découvert un Gravelot semipalmé adulte à Créac’h Meur, sur l’île d’Ouessant (Finistère), une observation qui constitue a priori une première pour cette espèce en France métropolitaine, mais qui doit encore être soumise à homologation.
Après une description de ce limicole, nous vous présentons les critères permettant de le distinguer du Grand Gravelot. Nous remercions Thomas Dagonet, Marc Fasol, Marc Le Moal, Jean Morillon et tous les autres photographes dont les noms figurent sous leurs photos pour nous avoir permis d’illustrer cet article.
Abstract
The Semipalmated Plover (Charadrius semipalmatus) is a shorebird widespread in North America, nesting from Alaska to northeastern Canada. If it is the occasional American wading bird most « often » observed in the Portuguese archipelago of the Azores, in the North Atlantic Ocean, it is one of the rarest in Western Europe, a status perhaps partly explainable by its strong resemblance to the Common Ringed Plover (C. hiaticula). The two species are so closely related that they were once considered conspecific, with the Semipalmated Plover formerly treated as a subspecies of the latter.
On September 26, 2023, Thomas Dagonet discovered an adult semipalmated plover at Créac’h Meur, on the island of Ouessant (Finistère), a record which a priori constitutes a first for this species in mainland France, but which has yet to be subject to approval.
After a description of this shorebird, we present to you the criteria to distinguish it from the Common Ringed plover. We thank Thomas Dagonet, Marc Fasol, Marc Le Moal, Jean Morillon and all the other photographers whose names appear under their photos for helping us illustrating this article.
Le Gravelot semipalmé (Charadrius semipalmatus)
Longueur : 16 – 17,5 cm.
Description : le Gravelot semipalmé ressemble fortement au Grand Gravelot (C. hiaticula).
L’adulte en plumage nuptial a les pattes jaune-orange, le bec orange à pointe noire, le dos et le dessus de la tête brunâtres, le front, le « masque », les lores, le haut du front et la bande pectorale noirs, et la gorge, le collier, le ventre et les sous-caudales blancs. La femelle est un peu plus massive et a les ailes plus longues que le mâle, tandis que ce dernier a les doigts et le bec un peu plus longs et colorés.
Un étroit cercle orbitaire jaune est visible (lire Les cercles oculaire et orbitaire des oiseaux, des termes souvent confondus)
En plumage internuptial, les parties noires du plumage deviennent gris-brun sombre et la base jaune-orange du bec devient plus sombre.
Le juvénile ressemble à l’adulte en plumage internuptial, mais le dessus brun présente de fins liserés pâles et ses pattes sont plus claires et plus jaunâtres. Ses sourcils pâles sont nettement plus visibles. La base de son bec est sombre et l’extrémité de sa queue est chamois rosé.
Le plumage juvénile est conservé tout au long du premier hiver et n’est modifié que par l’usure : les bordures pâles disparaissent dès la fin août, et sont remplacées par une ligne subterminale sombre sur les plumes du dos, des scapulaires et des couvertures tertiaires qui subsiste jusqu’à la fin de l’automne. Au printemps suivant, le plumage est pratiquement identique à celui de l’adulte, à l’exception de certaines plumes des couvertures.
À tous les âges, on note la présence d’une membrane (peu étendue) entre les doigts, d’où le nom de l’espèce. Toutefois, cette palmure n’est pas toujours bien développée, sauf entre le doigt médian et le doigt interne, où elle est toujours bien visible.
Le Gravelot semipalmé présente une barre alaire blanche en vol comme le Grand Gravelot, mais elle est un peu moins large et moins longue que chez ce dernier.
Voix : les cris de contact du Gravelot semipalmé sont distincts. Ce sont des « chu-weet » ou « k-weet » aigus, sifflés et plaintifs, la seconde note étant plus haute. Ils ressemblent à ceux du Chevalier arlequin (Tringa erythrinus) et du Pluvier bronzé (Pluvialis dominca). En vol, il émet aussi des cris perçants répétés « too-ee-too-ee ». Quand il est inquiet, il lance des « chip » ou » tiwit » rapides et répétés.
Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris de contact du Gravelot semipalmé réalisé sur l’île de Terceira aux Açores (Portugal) par Carlos Pereira le 9 mai 2022 (source : Xeno-Canto) :
Biologie : le Gravelot semipalmé est migrateur. Durant la saison de nidification, il est territorial, mais le reste de l’année, il se déplace et se nourrit souvent en groupes. Il niche au sol, dans le sable ou sur des galets, et il pond quatre œufs en moyenne. L’incubation dure environ 24 jours et est assurée par le couple. Les poussins volent au bout de quarante jours. Cette espèce se nourrit d’insectes, de vers, de mollusques et de crustacés qu’elle cherche dans la vase ou le sable.
Habitats : durant la période de nidification, le Gravelot semipalmé niche dans des zones à la végétation clairsemée le long des côtes et des grands cours d’eau dans la toundra : plages de sable, de graviers et de galets. En migration et en hivernage, il se nourrit sur les vasières côtières.
Aire de répartition et taxonomie : le Gravelot semipalmé niche de l’Alaska au nord-est du Canada (îles de Baffin et de Terre-Neuve et provinces du Québec, du Labrador et de la Nouvelle-Écosse). Il hiverne le long des côtes du continent américain, de la Californie et de la Louisiane à la Patagonie. Il est commun en migration le long de la côte atlantique des États-Unis.
Statut du Gravelot semipalmé dans le Paléarctique occidental et une première donnée pour la France en septembre 2023
Dans le Paléarctique occidental (lire Qu’est-ce que le Paléarctique occidental ?), le Gravelot semipalmé est un limicole accidentel rare. Dans l’archipel portugais des Açores, c’est tout de même le limicole américain occasionnel le plus fréquent (lire Observer les oiseaux sur l’île de Corvo).
Il est par contre extrêmement rare en Europe de l’Ouest. Sur les îles britanniques et en Irlande, la première donnée confirmée remonte au 9 octobre 1976, et il n’y a eu que cinq observations homologuées par la suite. Il n’avait jamais été vu de façon certaine en France, avant la découverte le 26 septembre 2023 d’un très probable oiseau à Porz Doun, sur l’île d’Ouessant (Finistère) (lire Visiter l’île d’Ouessant : bons coins et carte à imprimer), même si cette observation reste soumise à homologation (les photos de cet oiseau sont visibles dans cet article).
Comment distinguer le Gravelot semipalmé et le Grand Gravelot ?
Le Grand Gravelot et le Gravelot semipalmé sont vraiment très proches, et leur distinction est plutôt délicate. Pour J. L. Dunn (1993), le doute est toujours de mise si l’observateur n’a pas entendu le cri ou noté la présence/absence d’une palmure développée entre les doigts, et plus particulièrement entre celui du milieu et les deux latéraux. Nous allons tout de même vous donner ci-dessous des critères de terrain utiles pour distinguer ces deux espèces. Comme c’est souvent le cas pour distinguer deux espèces proches, il faut combiner le maximum d’éléments pour maximiser la fiabilité de l’identification.
Les cris
Les cris du Gravelot semipalmé sont différents de ceux du Grand Gravelot et constituent un bon critère d’identification. Ce sont des sifflements rapides, aigus, rauques, montants et plaintifs (« chu-wiit » ou » chu-wii »), avec l’accent mis sur la seconde syllabe, tandis que le cri de contact du Grand Gravelot est un doux sifflement, nettement dissyllabique et montant « tu-ip ». Son cri d’alarme est un « tihp » pépiant.
Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris de contact du Gravelot semipalmé réalisé en Floride (États-Unis) par Paul Marvin le 2 août 2013 (source : Xeno-Canto) :
Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris de contact du Grand Gravelot réalisé en Pologne par Jarek Matusiak le 10 septembre 2021 (source : Xeno-Canto) :
La membrane interdigitale (palmure)
Le Gravelot semipalmé présente généralement une membrane (palmure) entre le doigt médian et les deux doigts voisins, qui est normalement peu développée chez le Grand Gravelot. Toutefois, chez cette espèce, certains individus présentent aussi une palmure assez visible entre le doigt médian et le doigt externe, mais jamais entre le doigt médian et le doigt interne (= celui le plus proche du ventre). Ce critère important n’est pas toujours facile à voir sur le terrain.
La longueur
Gravelot semipalmé (Charadrius semipalmatus) en plumage nuptial (à gauche) et Grand Gravelot (Charadrius hiaticula) adulte en plumage internuptial à Créac’h Meur, sur l’île d’Ouessant (Finistère), le 28 septembre 2023. Notez chez le premier (1) le bec plus court court et épais, (2) le blanc plus réduit des sourcils (un critère peu applicable chez cet individu qui présente plus de blanc que la moyenne), (3) la limite inférieure des lores noirs qui atteint le bec au-dessus de la base de celui-ci et l’étroit cercle orbitaire jaune, (4) la silhouette plus allongée et (5) les pattes d’une couleur moins vive (critère peu fiable) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le Gravelot semipalmé est un peu plus petit que le Grand Gravelot (- 13 mm par rapport à la sous-espèce nominale qui niche en Europe).
La silhouette
Le Gravelot semipalmé est plus mince, plus allongé et moins rondouillard que le Grand Gravelot. Sa silhouette est ainsi plus « délicate » et rappelle celle du Petit Gravelot (C. dubius). Sa tête est également plus petite et plus arrondie.
Le bec
Le bec du Gravelot semipalmé est un peu plus court et épais et sa base plus large que celui du Grand Gravelot, mais ce critère est peu fiable (assez grande variabilité entre les individus et les sexes).
Le cercle orbitaire
Un étroit cercle orbitaire jaune est visible chez le Gravelot semipalmé, alors qu’il est absent chez le Grand Gravelot.
Les pattes
Les pattes du Gravelot semipalmé sont généralement d’un orange moins vif que celles du Grand Gravelot.
Les critères de plumage chez l’adulte
- Chez le Gravelot semipalmé adulte, le blanc des sourcils est plus réduit que chez le Grand Gravelot, même si ce critère est assez peu fiable.
- Chez le Gravelot semipalmé adulte, la limite inférieure des lores (= la partie située entre l’œil et la base du bec) noirs atteint le bec un peu au-dessus de la base de celui-ci, tandis que chez le Grand Gravelot, elles atteignent la base ou un peu en dessous. Ce critère est utile même s’il n’est pas totalement fiable.
- La bande pectorale sombre du Gravelot semipalmé adulte est généralement plus mince que celle du Grand Gravelot. Mais il existe une certaine variabilité entre les individus et les sexes, et ce critère n’est donc pas très fiable. Elle est toujours teintée de brun chez le Gravelot semipalmé, même chez l’adulte en plumage nuptial, alors qu’elle est d’un noir plus profond chez le Grand Gravelot adulte.
- Il y a généralement moins de noir derrière l’œil chez le Gravelot semipalmé adulte en plumage nuptial que chez le Grand Gravelot, mais ce critère est peu visible sur le terrain.
- La barre alaire blanche est généralement moins large et plus courte que celle du Grand Gravelot, mais ce critère est peu fiable car il y a beaucoup de chevauchement entre les deux espèces. La différence est surtout visible au niveau des rémiges primaires internes.
- Il y a un peu moins de blanc sur les rectrices (bords de la queue) chez le Gravelot semipalmé.
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Les critères de plumage chez les juvéniles
Les critères de plumage pour identifier le Gravelot semipalmé juvénile sont les mêmes que pour l’adulte, mais contrairement à l’adulte, le juvénile a de larges sourcils blanchâtres, comme le Grand Gravelot du même âge.
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Compléments
À lire sur le web
Le site web collaboratif www.ornitho.fr
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho de L. Svensson et al
- Guide des limicoles d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord de Don-W Taylor, Stephen Message, Maxime Zucca et Marc Duquet
Sources
- Clarke K. (2012). Plovers, they’re harder than you think. 10,000 Birds. Date : 22/07. www.10000birds.com
- Dani (2012). Scary Plovers. Birding Frontiers. Ringed and Semipalmated Plover ID. birdingfrontiers.wordpress.com
- Guillermo Rodriguez Lazaro. Juvenile Semipalmated Plovers: variability of key features. Subalpinebirding. subalpinebirding.com
- K. L. Teather et E. Nol (1997). Mixed sexual dimorphism in Semipalmated Plovers. The Condor, The Cooper Ornithological Society.
- J. L. Dunn (1993). The identification of Semi-palmated and Common Ringed Plovers in alternate plumage. Birding. Volume 25. Pages : 238-243.
- I. Lewington, P. Alstrom et P. Colston (1992). A Field Guide to the Rare Birds of Britain and Europe. Harper Collins.
- Paul Dukes (1980). Semipalmated Plover new to Britain and Ireland. British Birds. Volume : 73. Pages : 458-464. britishbirds.co.uk
- Jean Burton et Raymon McNeil (1976). Age determination of six species of North American Shorebirds. Bird-banding. A journal of Ornithological Investigation. Volume : 47. Numéro 3. Pages 201-300. sora.unm.edu
- Historical Rare Birds. Semipalmated Plover. www.historicalrarebirds.info
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